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les cercles de Dante à travers le chaud et le froid, l’humide et le sec, les flammes de soufre et les pluies de glace. Alors l’éternelle nécessité qui réside dans l’intelligence presse leurs esprit, les harcèle, les torture pour leur arracher le secret de leurs souffrances et la raison de leurs expiations. C’est ce qui nous est arrivé. Il nous a été donné de jeter un coup dœi1 plus profond dans les fondemens de la société, et de descendre plus en nous-mêmes, au-dessous de ces pensées vulgaires et acquises qui s’écoulent chaque jour pour faire marcher notre vie, comme l’eau d’une écluse sert à faire marcher un moulin. Nous savons mieux qu’auparavant ce que signifient les mots autorité et liberté ; encore quelque temps, et nous comprendrons les mots hiérarchie, suprématie, dépendance. Les instinct religieux ont murmuré au fond de plus d’un jeune cœur, bien des esprits sauvages ont cherché des liens sympathiques, bien des ames indépendantes ont fléchi et appelé à grands cris l’obéissance. J’en ai vue chez qui la piété florissait subitement comme une fleur née d’une graine apportée par les vents. D’autres, impatiens de toute autorité, sentaient leur orgueil s’affaisser toujours davantage. Oui, nous sommes meilleurs ; oui, par cela même que nous sommes meilleurs, il y a réaction vers des choses plus excellentes que les idées révolutionnaires.

Oh ! puissent les germes se développer ! Puisse cette salutaire réaction grandir ! Alors les spectres révolutionnaires s’évanouiront, la mort se vaincue. Puisse cette réaction des intelligences d’élite et des cœurs bien nés être l’aurore d’un jour plus beau et plus durable que tous ceux que nous avons traversés !


EMILE MONTEGUT.