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à tous dès l’enfance les choses de la mer ; l’esprit, maritime, répandu dans toutes les classes de la société ; le reste de l’autorité parce que l’autorité émane du souverain et en et la représentation un budget plus riche, qui permet une rémunération presque prodigue pour les services rendus ; des exigences parlementaires moins minutieuses, qui laissent le champ plus libre au progrès, etc. : mille autres causes encore, qu’il est superflu d’indiquer, constituent ces avantages.

Une chose cependant me remplit d’étonnement et en même temps d’orgueil : c’est que, malgré tous ces avantages dont jouissent les Anglais, malgré nos vices incontestables d’organisation et notre défaut d’esprit maritime, la marine française ait pu si honorablement soutenir son infériorité, soutenir souvent la concurrence avec la marine anglaise, et que cette infériorité n’ait souvent porté que sur le chiffre des bâtimens. Une semblable remarque donne le droit d’espérer, elle met à néant bien des détracteurs. Je comprends qu’on admire la marine anglaise, qu’on cite son organisation ; car, moi aussi, j’en ai été enthousiaste. Appelé à l’étudier en détail, imbu, dans les commencemens de cette étude, d’idées préconçues, j’ai admiré aveuglément ce que je croyais l’ouvrage des hommes, et qui n’était que l’ouvrage de la nature. Mes idées n’ont pas tardé à se modifier. J’avais admiré, parce que je n’avais vu que le résultat ; j’ai moins admiré quand j’ai vu les ressources, et de moins en moins quand j’ai vu des fautes cachées habilement, mais commises en plus grand nombre que chez nous. L’enquête étudiera la marine anglaise ; elle passera par les mêmes sentimens.

L’enquête étudiera peut-être aussi la marine russe, qui a son importance malgré son infériorité, je l’ai admirée à plus juste titre, parce que là les moyens manquent, et qu’il a fallu une énergie et une persévérance sans bornes pour obtenir ce qu’on a obtenu ; mais la forme du gouvernement vient en aide. Il y a là deux marines distinctes qui ne communiquent entre elles que par terre, la marine de la Baltique et la marine de la mer Noire, comme nous avions jadis la marine du Levant et la marine du Ponant. Chacune a son budget distinct et indépendant. L’administration est facilitée par un système simple, dispendieux à nos yeux, mais qui ne l’est point pour l’organisation militaire des Russes. Dès qu’un bâtiment est lancé, un armement complet et un équipage complet lui sont affectés ; cet armement et cet équipage lui appartiennent jusqu’à sa démolition, quelles que soient les phases qu’il traverse. Il n’y a point là de commissions du budget ; l’empereur y supplée lui-même, avec cette différence que les commissions du budget n’ont pouvoir que de blâmer, tandis que l’empereur, s’il blâme énergiquement, a aussi le pouvoir de récompenser magnifiquement.

Je n’ai point réfuté toutes les erreurs touchant la marine qui se