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finances proprement dites, le ministre des finances a un matériel qui ne se compose que de deux uniques objets qui ne dépérissent jamais : l’argent et le papier. Ce matériel n’exige, pour connaître sa situation, que des variations à l’infini des quatre règles de l’arithmétique.

C’est cependant parce que la marine ne rend pas compte, comme les finances, de l’état de son matériel, qu’on prétend que ses millions sont gaspillés. C’est sur ce point que n’ont cessé de porter les plaintes des commissions du budget. Qu’est-il arrivé alors ? L’administration s’est compliquée à l’infini ; par suite de cette complication, les rouages ont lourdement tourné en criant dans certaines parties ; ces parties ont cessé de se coordonner les unes aux autres ; leur corrélation a disparu. De là de nouvelles complications ; mais à qui la faute ? Est-ce par la volonté d’un ministre que la complication du contrôle, par exemple, a été établie ? Supprimé dans un de ces heureux momens d’indifférence publique pour la marine dont j’ai parlé plus haut, les chambres en ont exigé le rétablissement à une autre époque, où la sollicitude que les événemens de 1840 avaient attirée vers la marine se traduisait encore en soupçons. Les soupçons remontent loin, comme on voit. Ils ont encore une plus ancienne date.

On a exigé des comptes administratifs plus détaillés ; il a bien fallu des commis pour les dresser. On voulait savoir à tout moment, et on trouve qu’on ne le sait pas encore assez aujourd’hui, on voulait savoir la valeur de chaque objet du matériel de la marine ; il a bien fallu des commis pour la vérifier. On devait se rendre compte à tout instant de ce que devenait, de ce qu’était devenue chacune de ces unités. Il a fallu des commis pour détailler les entrées, les sorties et les transformations. Ce n’est pas un ministre qui a voulu tout cela, ce sont les chambres. Et elles se sont étonnées de l’accroissement du personnel ! L’assemblée s’en étonne aujourd’hui, et pourtant elle trouve encore qu’on ne lui rend pas assez compte ! Par ce dédale de comptes, les chambres ont-elles été plus éclairées ? Pas le moins du monde. Elles ont vu plus de chiffres, voilà tout. Elles ne comprenaient pas bien ; la cause en était naturelle : elles ont cru que les chiffres leur rendraient la chose intelligible ; le contraire a eu lieu. Quelques paroles d’un ministre eussent seules pu les aider à comprendre ; mais les commissions du budget sont défiantes et incrédules par métier ; par suite, les ministres sont susceptibles, et on est arrivé à la situation que l’on sait.

La pensée était de simplifier l’administration, et c’était à qui demanderait le plus de détails. On voulait moins de commis, il fallait vouloir moins de comptes ; on en a voulu plus. N’est-ce pas ce qu’on veut encore aujourd’hui ? Cela me semble de l’école de ces hommes d’état qui maintenant encore voudraient augmenter les dépenses en diminuant les ressources.