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consenties aujourd’hui, pourraient ne se traduire en effets apparens qu’à une époque éloignée ; il serait impossible de prévoir les éventualités qui pourraient réclamer alors l’action d’une imposante force militaire. Toutefois, dans la fâcheuse situation financière où nous nous trouvons, la marine, où le cœur est si essentiellement français, toute la marine, son ministre en tête, n’hésitera point à faire les sacrifices qu’a imposés à tous les citoyens la satisfaction des passions envieuses de quelques infimes ambitions. On a attaqué la constitution de la marine, on a dénigré ses actes, on a douté de sa probité ; on ne peut contester son patriotisme.

Quand on a prétendu que les millions de la marine étaient gaspillés, c’est particulièrement l’administration de la marine qu’on a mise en cause ; il était naturel qu’elle fût plus scrutée, plus attaquée que les autres branches de l’établissement maritime. Sans préjuger en rien si les attaques contre les unes ou les autres sont fondées, nous dirons que c’est là un fait tout simple. En effet, tout le monde est ou se croit un peu administrateur, et il n’est pas probable que beaucoup de personnes se croient des marins ; mais, tout administrateur que l’on soit ou que l’on croie être, il est impossible de pousser la présomption jusqu’à penser que.ce n’est pas une tâche immense que d’administrer un matériel dont la nomenclature, qui s’accroît tous les jours, ne comporte pas moins de trente-deux mille pièces d’unités différentes. On ne peut supposer qu’il soit facile de se rendre compte exactement, jour par jour presque, comme on paraît l’exiger, du prix, de la destination, de l’état d’usure de chaque unité de chacune de ces trente-deux mille espèces dispersées dans les arsenaux ou sur la surface du globe, où elles sont soumises à tant de transformations à tant d’accidens à tant de causes de dépérissement. Pense-t-on qu’il soit aisé d’administrer un personnel de vingt-cinq mille marins épars dans le monde entier et de quinze mille ouvriers de cent professions diverses ? Je passe sous silence l’administration des classes, les corps auxiliaires et les colonies.

À quelle administration osera-t-on comparer l’administration de la marine ? En est-il une seule dont les rouages soient obligatoirement si variés, soumis à tant d’influences inévitables, qui s’exerce sur tant de services et de professions diverses ? Un arsenal maritime et un monde. Un bâtiment est une ville avec ses approvisionnemens de toute sorte, depuis l’eau jusqu’au luxe, avec ses défenses, ses ouvriers de toute profession, en un mot, avec un assortiment complet de ce qui est nécessaire à tous les besoins de la vie, et le tout doit être comptabilisé en partie triple au moins. L’arsenal est appelé à suffire à cent villes pareilles.

On a dit que le ministre des finances savait exactement sa situation tous les dix jours. La comparaison n’est pas juste. En matière de