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On a dit que la marine de commerce n’était pas protégée ! D’abord la marine de commerce ne dépend point du ministère de la marine. Cependant, en ce qui concerne la marine, quelle protection demande-t-on d’elle ? Est-ce une protection de police de bord ? Elle st rigoureusement exercée lorsqu’elle est réclamée. Sont-ce des services nautiques que l’on sollicite ? On ne les a jamais refusés. On veut peut-être parler de la réparation des insultes plus ou moins provoquées ; mais Lisbonne, le Mexique, cent autres points du globe ont été témoins de notre susceptibilité à cet endroit, susceptibilité qui nous a coûté tant de millions pour des causes qui n’étaient pas toujours bonnes. On ne s’attend point, je pense à ce que la marine militaire intervienne dans les opérations commerciales ? Elle ne le fait point pour deux raisons : dans l’intérêt de sa dignité et dans l’intérêt même du commerce ; — dans l’intérêt de sa dignité, parce que, si les bâtimens de guerre conservent une si grande force morale qui les met a même de faire respecter et le pavillon et les intérêts de leur nation, c’est précisément qu’ils ne font pas le commerce ; -dans l’intérêt même du commerce, parce que le commerce ne peut prospérer, le capital ne peut circuler qu’à la condition qu’on ne s’occupe pas d’eux. L’autorité les effraie ; ils disparaissent quand elle intervient. Quelle preuve plus flagrante a-t-on pu en avoir que l’expérience de ces derniers temps !

Il y aurait mille autres choses à dire sur le commerce français à l’étranger ; mais il n’est question ici que du ministère de la marine. Je les tairai. J’ajouterai seulement qu’il n’y a que deux manières de protéger le commerce : ou lui donner des primes ouvertement, ou déguisées sous divers noms, ce qui ruinerait l’état et finirait par ruiner le commerce lui-même : c’est le principe des socialistes ; — ou lui laisser toute liberté et n’intervenir que quand il y a infraction : c’est le principe constitutionnel. Que peut la marine dans ces deux sortes de protection ?

On a dit que des millions, de précieux millions, étaient gaspillés, si ce n’est plus, qu’on ne savait en rendre compte. Qu’on en demeure bien pénétré d’abord, et c’est un axiome qui doit être le point de départ de toute discussion sur la marine, il ne peut y avoir de marine militaire sans argent, sans beaucoup d’argent. De petites économies y produisent souvent de grands désastres. Qui dit marine dit matériel immense exposé à toutes les plus mauvaises conditions de dépérissement. Aussi certains économistes ont-ils prétendu jadis qu’une marine militaire était un luxe pour un état. Qu’on l’appelle luxe ou autrement, c’est un luxe, nécessaire, que tout le monde veut ; il faut donc savoir faire les sacrifices qu’il exige. On ne doit pas oublier non plus que, sous l’empire de la nécessité de préparer en marine les résultats par une prévoyance de plusieurs années, des réductions par trop importantes,