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qu’il a quelque chose à faire dans la marine, qu’il y a des défauts à rechercher, à faire disparaître.

De la reconnaissance de ces défauts à qu’il n’y a plus de marine il y a loin, Dieu merci ! Il n’est point dans ma pensée, ni dans le cadre de ce travail, de relever les chiffres, erronés en grand nombre, qui ont été mis en avant. Je laisse avec déférence ce soin à la compétence toute spéciale en ces matières de M. Charles Dupin. Qu’il me soit permis cependant de relever un seul de ces chiffres. On a dit qu’en 1841 nous avions 20 vaisseaux armés, et que, pour les mêmes dépenses, nous n’en avons aujourd’hui que 7. C’est vrai ; mais, en 1840, nous n’avions pas, comme vapeur armée. Il n’y en avait aucune. Or, on sait qu’une frégate à vapeur dépense par an moyennement ce que dépense un vaisseau de 90 canons. Nous avons donc aujourd’hui dans cette espèce de bâtimens, la plus importante une force absolument équivalente, à celle de 1841, plus les 8 vaisseaux en commission. On trouverait des chiffres analogues pour tous les autres bâtimens de la flotte. On a dit qu’on allait démolir plusieurs vaisseaux sans en mettre un nombre égal à la mer. Je veux le croire ; mais on construit plus de frégates à vapeur qu’on ne démolit de vaisseaux. Or, on sait, je le répète, qu’une frégate à vapeur équivaut à un vaisseau de 90.

Après cette courte citation, qui est décisive, puisqu’elle s’applique particulièrement à la partie la plus imposante de la marine, est-il permis de s’écrier que nous n’avons plus de marine ? Comment ! on a suivi de point en point, sans même faire la part de sa bouillante ardeur, les préceptes qu’un prince-amiral, dans un remarquable écrit[1], que vous avez justement acclamé naguère, recommandait avec ce cœur si patriotique, cet élan si national, cet esprit si convaincu que nous lui avons connu, et on dit que nous n’avons pas de marine !

Que veut-on de plus à une époque de transition, où on n’en est jusqu’à présent qu’à essayer un moteur nouveau dont on ne sait pas encore toute la force, qui révèle chaque jour une nouvelle puissance ? La science et l’expérience signalent à tout instant des découvertes telles qu’un principe admis une année comme le plus nouveau et le plus parfait est déjà arriéré l’année suivante. Réfléchit-on aux dépenses, aux veilles que nécessite le besoin de se tenir au courant des progrès de cette science, et quand nous sommes au courant, à la tête souvent de ces progrès, on ose dire que la marine est dans un profond degré d’abaissement !

  1. Voyez, dans la Revue du 15 mai 1844, la Note sur l’état des forces navales de la France, par M. le prince de Joinville.