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Passons donc sur ces exigences. Ce qu’on appelle si pompeusement éclairer le pays serait du temps et de l’argent perdu. On verra plus tard ce qu’a coûté de complications la nécessité de e rendre compte, ou plutôt la nécessité de rendre compte aux chambres des dépenses de la marine, suivant le mode qu’ont exigé les diverses commissions du budget, inspirées par la défiance et des soupçons toujours exagérés. Sans doute, c’est un sentiment patriotique que celui qui pousse l’homme chargé de veiller aux intérêts de ses commettans à rechercher comment ces intérêts sont ménagés ; mais il est un autre sentiment non moins patriotique et plus réfléchi : c’est celui qui repousse la défiance qui démoralisent, mais qui n’accroissent point les garanties.

Je le répète, les marins ne sont pas optimistes, ils savent les vices de la marine ; mais ils l’avouent avec humilité, ils n’en découvrent pas toujours les causes précises. Ils savent qu’il y a beaucoup à modifier et à améliorer ; mais ils sont embarrassés et lents dans leurs tentatives, parce qu’ils redoutent de modifier sans améliorer, ce qui tendrait à détruire. Ces grands réformateurs qui se sont fait entendre il y a six semaines leur seraient vraiment utiles ! L’un d’eux proposait, par exemple, l’établissement au ministère d’un conseil des travaux qui eût pour attributions d’examiner, d’approuver ou de repousser tous les plans nouveaux. Or, ce conseil des travaux, avec justement ces mêmes attributions, existe depuis nombre d’années, et fonctionne parfaitement. Un autre de ces réformateurs se plaignait du mode d’approvisionnement des bâtimens de guerre à l’étranger ; il assurait que les capitaines dépendaient entièrement des agens consulaires pour cet important service, et il proposait de faire faire les achats par les bâtimens eux-mêmes, qui paieraient en traites sur le trésor central, sans intervention des consuls. Il paraît que les renseignemens de cet orateur datent d’une douzaine d’années, car ce qu’il propose est justement ce approvisionnemens se font rapidement et à bon marché ; les traites se négocient avec avantage, et, même dans les premiers temps de la révolution de février, elles ont pu presque partout se placer sans perte. Voilà deux grands réformateurs qu’il est à regretter de ne pas voir faire partie de la commission d’enquête. Ils auraient pu y fournir d’utiles idées.

Après cette digression qui prouve quelle foi on peut avoir dans les assertions de citoyens animés certainement, je le proclame bien haut, d’excellens sentimens que je respecte autant que tout autre, mais déplorablement renseignés sur un sujet qu’ils ne connaissent pas ; après cette digression, je répète que les marins, les premiers, reconnaissent