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une cour de justice. – Une enquête, soit ; il n’est personne qui ne l’appelle de tous ses voeux, mais comme lumière et non comme tribunal. Dans ce premier sens, elle est un besoin pour l’opinion publique, comme pour la marine ; mais, on peut le dire d’avance, l’enquête démontrera que les peintures lamentable et exagérées que l’on a faites de la situation de notre établissement maritime n’ont pas de fondement ; l’enquête ne trouvera pas la marine dans l’état d’impuissance et d’appauvrissement qu’on s’est plu à lui attribuer ; l’enquête, si elle pousse ses investigations de l’autre côté de la Manche, ne reconnaîtra pas ce degré d’infériorité vis-à-vis, de la marine anglaise, qui est le texte de tant de reproches de la part de bien des marins eux-mêmes ; l’enquête enfin découvrira que nous avons une marine.

On a dit, on a répété à plusieurs reprises : Nous n’avons pas de marine, et on l’a cru ! On a dit que la fortune de l’état était gaspillée, si ce n’est plus ; qu’on ne savait pas rendre compte des millions qu’on absorbait, et on l’a cru ! On a dit que la marine du commerce n’était pas protégée, et on l’a cru ! On a dit que les matelots manquaient baux bâtimens armés, que les équipages étaient désorganisés, et on l’a encore cru ! On a dit encore que la marine française était inférieure en tout point à la marine anglaise, que la première seule faisait des fautes, et on l’a toujours cru ! On a cru tout cela, car les marques d’adhésion dans l’assemblée et de là dans le pays n’ont pas été équivoques. C’est parce qu’on a cru tout cela, parce que cette funeste croyance n’est que trop répandue ; c’est parce que nous demandons la vérité pour la marine, que nous voulons l’enquête et nous avons foi en elle.

Le sang bout quand on entend prononcer à la tribune nationale, d’où elles sont reportées dans le monde entier, ces injustes et désastreuses paroles : « Dans quel degré d’abaissement la marine française est-elle tombée !… » Ceux qui savent ce que valent nos escadres, l’objet de notre juste fierté ; ceux qui les ont suivies partout où elles ont porté avec tant d’honneur notre pavillon, qui connaissent les services qu’elles ont rendus comme ceux qu’on peut attendre d’elles, tous, ingénieurs, administrateurs, marins, qui ont concouru à ces magnifiques résultats, qui y ont consacré leurs veilles et de pénibles veilles, qu’on en soit convaincu, tous protestent contre des paroles aussi fausses, aussi injurieuses. Et, dans cette admirable production qu’on appelle une escadre, qu’on ne fasse point de distinction entre les diverses branches du service maritime : toutes concourent éga1ement, chacune selon sa spécialité, à obtenir ce résultat, la dernière expression de la marine.

Sans doute c’est un rôle populaire que d’attaquer une administration qui coûte à l’état des millions, et dont les effets immédiats ne sont presque jamais sous les yeux du public. Sans doute c’est un facile que d’apporter à la tribune certains faits, plus ou moins exacts,