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qui le conduisait dans les rangs des Magyars. Suivant, son propre aveu, les allures désordonnées que les hommes de février apportaient dans la fondation du nouveau gouvernement prouvaient que la liberté européenne, n’avait de long-temps aucun secours à attendre de la France. Dès le lendemain de cette révolution, disait-il encore, il avait craint que le débordement de l’anarchie sur l’Europe ne procurât à la Russie l’occasion de prendre une position tellement forte, que plus tard tous les efforts de l’Europe fussent impuissans à l’en déposséder. Il déclarait que, comme Polonais, le souvenir des massacres de la Gallicie ne lui avait pas permis d’adresser ces avis à l’Autriche. Il avait senti cependant que, pour que l’Europe pût tenir tête à la Russie il eût fallu que les gouvernemens voisins de sa frontière fussent préparés à la lutte et eussent un appui dans un gouvernement libre. Il s’était donc adressé au ministre des affaires étrangères de la Grande-Bretagne, lord Palmerston, pour lui soumettre cette idée et lui montrer que soit le roi de Prusse, soit quelque prince de la maison d’Autriche pourrait compter sur le concours de la Pologne, s’il voulait entrer en lice contre la Russie. Naguère encore, avant les massacres de la Gallicie, le général Dembinski avait cru à l’avenir, de l’Autriche ; il avait pensé qu’elle aurait un grand rôle à jouer, qu’elle pourrait même devenir (l’expression est de lui) la première puissance de l’Europe. Dans son opinion, il était plus facile à l’Autriche qu’à toute autre puissance de rétablir la Pologne et d’être elle-même ce que son nom d’Autriche (OEster-Reich, empire d’Orient) lui devrait, inspirer d’être. Pour ce grand rôle, Dembinski désespérait des hommes qui gouvernaient l’empire ; il les regardait comme dominés tous par les vieilles traditions germaniques et impériales. Il n’allait pas cependant jusqu’à dire qu’il ne pût se trouver dans la maison d’Autriche elle-même de prince capable de comprendre cette pensée, de l’embrasser, d’y vouer sa vie. Dembinski semblait compter sur le jeune archiduc palatin de Hongrie, auquel on avait, en effet, jusqu’alors attribué de l’ambition et de l’espoir dans l’esprit. Le général polonais croyait qu’un archiduc d’Autriche aurait pu régénérer l’empire en s’emparant de ce grand mouvement d’idées qui avait rajeuni la Hongrie. Les événemens vinrent prouver trop clairement à Dembinski que l’archiduc Étienne lui-même, qui avait été élevé pourtant avec soin dans les mœurs et dans la langue magyares, ne se prêtait pas à de semblables calculs. Le général polonais n’en était pas moins préoccupé de la transformation de l’Autriche. L’affaiblir ou la détruire, il ne le voulait pas ; la renouveler. Il le croyait possible, et les Magyars lui semblaient être l’élément de jeunesse à l’aide duquel on pouvait donner à l’empire cette vie nouvelle.

Tels sont les sentimens qui avaient porté Dembinski à s’intéresser au sort des Magyars. Avant toute chose, il répugnait aux tentatives