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race, Italiens, Allemands, Slaves même, casernés en Hongrie, qui, contraints par les menacés de la population ou attirés par les promesses du gouvernement, passèrent, à l’insurrection. Plusieurs, par esprit d’aventure, portèrent dans ce mouvement une certaine sincérité et l’intention de rester fidèles au drapeau des Magyars ; d’autres n’attendaient que l’occasion pour faire volte-face et rejoindre le drapeau des impériaux. À la vérité, M. Kossuth, dans un esprit démocratique, avait obtenu par décret une levée en masse de deux cent mille hommes ; mais comment réaliser cette levée ? comment lui trouver des cadres ? C’était un problème qui ne pouvait être résolu que par des généraux expérimentés. Les Magyars reconnurent bien vite et à leurs dépens qu’ils n’en avaient pas. Cette pénurie d’officiers généraux qui eussent, déjà fait la grande guerre ouvrit le chemin à l’émigration polonaise.

L’émigration n’avait point attendu la guerre de Hongrie, ni même les révolutions de Vienne, pour tenter auprès des hommes influens de la race magyare un rapprochement amical qu’un faux air d’analogie dans les conditions indiquait aux deux peuples. M. Kossuth, comme l’un des plus hardis agitateurs qui fût parmi les Magyars, avait été particulièrement en butte aux avances de la propagande polonaise. Tant que la Pologne était restée en dehors du slavisme, elle avait été très populaire parmi les patriotes magyars, et M. Kossuth savait trop bien la valeur d’un sentiment généreux et d’un grand mot auprès des multitudes pour se priver des effets auxquels le douloureux, le poétique nom de la Pologne peut se prêter. Combien d’orateurs d’opposition n’ont-ils pas fait de même en d’autres pays ! M. Kossuth, séparant la cause de la Pologne de celle des Slaves, avait donc été originairement dans des dispositions favorables aux Polonais. Cependant le jour où, entraînés par les besoins impérieux de leur cause, les Polonais, associés au slavisme, allèrent prêcher aux Magyars des idées de transaction avec les Slaves, la sympathie fit place à la défiance. M. Kossuth, qui, en patriote exalté, ne voyait pas d’autre issue à la rivalité des Slaves et des Magyars que la ruine du slavisme, et qui sentait que c’était là une question de vie ou de mort, repoussa les ouvertures de l’émigration polonaise, et se tint sur une réserve fort semblable à de l’hostilité. Après la révolution de mars, en présence du mouvement d’idées qui se produisit en Hongrie, les Polonais pensèrent que les circonstances se prêtaient à de nouvelles tentatives de rapprochement. Ils firent à M. Kossuth des ouvertures que celui-ci reçut avec une complaisance d’autant plus grande, que le cabinet de Vienne menaçait de résister vivement aux sollicitations des Magyars. Les représentans du peuple magyar, sans songer en nulle manière à briser les liens qui les unissaient à la maison de Habsbourg, voulaient, on le sait, profiter des embarras de l’Autriche pour étendre leurs privilèges d’administration locale ; ils voulaient deux ministères indépendans de l’Autriche, pour