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attitude aussi bien que les têtes les plus exaltées[1]. Dès le 22 mars, un comité national s’instituait à Posen ; il devait prendre la direction politique de la province. Ce comité, au sein duquel figuraient plusieurs prêtres, était animé des sentimens les plus modérés, et il n’arborait aucune prétention qui ne pût être approuvée par les conservateurs les plus exigeans. Il ne songeait qu’à une action pacifique et à des négociations amicales avec le gouvernement prussien. « Polonais et frères disait ce comité dans sa première proclamation, si l’amour de Dieu et de la patrie vous anime, si vous êtes prêts à leur offrir votre vie, si l’espérance vous fait lever aujourd’hui les yeux vers le ciel pour lui exprimer vos vœux et vos désirs, si vous avez pitié de vos frères exilés, qui par le monde entier versent leur sang et leurs larmes en vue de la patrie, appliquez-vous, avant tout autre soin, à éviter tout conflit qui pourrait amener une effusion de sang et une prostration de forces aujourd’hui inutiles, et dont plus tard l’emploi pourra être salutaire et décis le même jour, dans une proclamation aux Allemands, le comité disait : « Nous nous sentons de la reconnaissance pour vous, Allemands, en voyant que vous ne croyez à la durée de la liberté qu’autant qu’elle sera générale. Nous vous tendons la main fraternellement, et nous espérons avec confiance que notre cause se développera, de concert avec vous, dans des sentimens paisibles et amicaux. Le gouvernement des baïonnettes est fini, nous savons que nous ne combattrons plus contre vous, le combat ne viendra pas de vous ; mais la guerre est possible d’un autre côté, la guerre contre l’Asie. Cette guerre, nous l’avons poursuivie sans relâche depuis le commencement de notre histoire ; et nous l’aurions glorieusement achevée, si l’insouciance des nations ne nous en avait empêchés. » Le comité n’était donc animé d’aucun sentiment hostile contre les Allemands. Comme les Israélites sont un élément assez important de la population des différentes parties de la Pologne, où ils reçurent l’hospitalité quand ils étaient partout encore en butte à l’intolérance, le comité national voulut les rassurer, ainsi que les Allemands, par une proclamation spéciale à leur adresse. Aussi bien, en dépit du peu de gratitude dont le Israélites ont payé cette hospitalité, les écrivains polonais les ont toujours entourés d’une vive sympathie. Suivant M. Mickiewicz, la régénération du monde moderne commencera par trois peuples, elles israélites sont, avec les Français et les Slaves, l’un de ces peuples privilégiés.

L’idée germanique n’était alors pour la Pologne qu’un objet d’émulation.

  1. On pourra consulter avec fruit sur l’esprit de ces événemens la brochure allemande d’un Polonais, précédemment l’un des collaborateurs de la Gazette de Heidelberg, M. Kladzko (Die deutschen Hegemonen).