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de l’émigration ; elles n’ont d’ailleurs rien négligé pour les provoquer. Avant même que le radicalisme leur vînt fournir des raisons spécieuses, elles avaient évidemment rêvé les combinaisons qui ont amené un nouveau démembrement de Posen et la situation précaire de la Gallicie.


II

C’est à Posen que commença la lutte entre le germanisme et la Pologne ; c’est là aussi qu’elle se dénoua le plus promptement. La Prusse avait d’abord entr’ouvert d’heureuses perspectives aux populations de la Poznanie. Le roi Frédéric-Guillaume, non sans doute par un mouvement bien spontané, mais du moins aux acclamations de son peuple, avait amnistié les Polonais condamnés naguère à la suite de l’échauffourée de Cracovie : on les avait vus conduits en triomphe dans les rues de Berlin, sous les fenêtres de Frédéric-Guillaume, qui, lui-même, avait dû incliner son front devant eux. « Compatriotes, disait l’un de ces captifs mis en liberté, le savant et grave docteur Libelt, tout le peuple prussien n’est rempli que d’une seule pensée : c’est qu’une Pologne libre et indépendante soit constituée pour servir de rempart à la libre Allemagne. Il n’y a plus de doute que la question polonaise ne soit bientôt résolue ; il est même possible que les gouvernemens eux-mêmes en prennent l’initiative pour réparer le crime commis par le partage de la Pologne. » — Les Polonais, écrivait le 23 mars le chargé d’affaires de France, les Polonais ont repris leur cocarde nationale ; ce qu’ils veulent, ce n’est pas le désordre, ce n’est pas le triomphe immédiat de la démocratie républicaine : ils veulent employer la Prusse à régénérer la Pologne. »

Le gouvernement prussien dans ce premier instant d’émotion où il pouvait douter des intentions de la Russie et de l’Autriche, se complut d’abord à flatter cette pensée. Le ministère accueillit tous les officiers polonais qui vinrent s’offrir ; plusieurs reçurent des passeports sous des noms empruntés, avec mission de se rendre en Russie, d’y étudier les conditions stratégiques d’une attaque. Le savant général Chrzanowski, qui devait, plus tard perdre la bataille de Novarre, fut appelé auprès de l’honorable général Willisen, qui jouissait alors de toute la confiance du cabinet, et dont les sympathies pour la Pologne s’étaient manifestées par ses écrits militaires sur l’insurrection de 1831. Les deux généraux étaient chargés officieusement de combiner et de proposer un plan de guerre, dans la prévision d’une lutte avec la Russie. Les esprits les plus calmes pouvaient se méprendre à une pareille