Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/924

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la libération de l’état était largement assurée. La situation des finances suffisait également au service ordinaire et au service extraordinaire. Le service de la trésorerie n’était pas moins facile que celui des travaux publics et des budgets. Faut-il répondre, pour le prouver, aux accusations dirigées avec tant de violence contre l’exagération prétendue de la dette flottante du trésor ? Un gouvernement frappé de discrédit dès sa naissance s’est irrité de ne pouvoir manier les affaires du gouvernement qui avait gardé son crédit jusqu’à son dernier jour. Il a mieux aimé accuser l’imprévoyance d’autrui que d’avouer sa propre impuissance. Force de succomber, il a voulu succomber sous un poids irrésistible ; il a déclaré que le dernier gouvernement avait contracté une dette flottante d’un milliard, et que cette dette était incessamment exigible. L’écrit si concluant de M. Vitet nous dispenserait peut-être d’une réponse ; il nous permet du moins de l’abréger. Disons un mot du montant de la dette ; nous retrouverons plus tard la question de l’exigibilité.

La dette flottante du trésor remonte plus haut qu’on ne pense ordinairement. Son origine est antérieure à l’empire. Les divers déficits de cette dernière époque la portèrent à 87,437,000 francs. La restauration continua à l’accroître. Sa créance sur l’Espagne, qu’elle ne put jamais recouvrer et qu’elle se paya à elle-même, et les découverts de quelques uns de ses budgets élevèrent le chiffre de la dette flottante de 143 millions. De 1832 à 1840, le gouvernement de juillet a mis quelques découverts s’élevant à 25,301,000 francs à la charge de la dette flottante. Les trois sommes que nous venons d’énumérer dépassent 256 millions.

On se demande au premier abord pourquoi le trésor n’a jamais songé à consolider cette portion de la dette flottante, presque entièrement formée comme on vient de le voir, avant 1830. La raison en est simple : notre centralisation administrative et financière fait arriver au trésor des versemens importans ; il est le caissier des établissemens publics et des communes, des corps de troupes, de la caisse des dépôts et consignations et des caisses d’épargne ; il reçoit en outre de ses receveurs-généraux des avances considérables, qui sont comme un supplément de cautionnement pour leur gestion. Le montant de ces versemens s’élève ou s’abaisse, suivant que les dépositaires retirent plus qu’ils ne versent ou versent plus qu’ils ne retirent ; mais il n’est guère arrivé, depuis un assez grand nombre d’années, que ces versemens n’aient pas dépassé le chiffre de 256 millions, et dès-lors il a été raisonnable de ne pas consolider cette dette et de la couvrir d’année en année à l’aide de versemens qu’on ne pouvait pas refuser. Qu’eût fait le trésor de ces versemens, s’il ne leur eût donné cet emploi ?

Voilà donc, sur le prétendu milliard, 230 millions qui ne sont pas à la