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que temporaire ; les rédacteurs de la situation provisoire en firent l’application à l’exercice 1848, et tandis que tout présageait à cet exercice une plus-value considérable sur ses recettes, on lui supposa au contraire une insuffisance ; ce fut ainsi qu’on créa un découvert qui absorbait presque toute la réserve de l’amortissement, dont le règlement probable de l’exercice devait laisser une bonne part à la disposition des travaux extraordinaires.

Ces travaux ont été le texte de bien des attaques, et même, pour les multiplier, les adversaires du gouvernement ne se sont pas fait faute de se contredire. On disait que le réseau de canaux et de chemins de fer était un réseau de corruption électorale jeté sur la France, comme si la France était géographiquement divisée en deux grands camps politiques, et que le gouvernement pût diriger les lignes navigables et les voies ferrées vers le camp de ses amis et les détourner du camp de ses adversaires ! On disait que le gouvernement aurait dû exécuter une seule ligne de chemin de fer et ajourner tout le reste, comme si une seule ligne pouvait, desservir tous les intérêts généraux, et qu’il fût impossible de refuser toute satisfaction à plus de la moitié de la France, en la faisant concourir à la satisfaction exclusive de l’autre moitié ! On disait que le gouvernement aurait dû construire lui-même tous les chemins de fer, et affranchir ces nouvelles voies de circulation de la domination des compagnies, comme si les ressources de l’état pouvaient suffire à une telle entreprise, et que l’état eût quelque intérêt à construire des voies de communication que, de l’aveu de tous, il ne peut pas exploiter ! On disait en même temps que l’état aurait dû abandonner tous les chemins aux compagnies et exonérer le trésor de charges accablantes, comme si la comparaison des recettes et des dépenses ne démontrait pas avec évidence que, pour la plupart de nos grandes lignes, l’intérêt du capital employé à les construire ne pouvait pas être servi même par des péages perpétuels ! Vous n’avez pas assez de confiance dans les compagnies, disaient les uns : les déchéances encourues ont prouvé qu’elles ne pouvaient pas tout faire. Vous faites des conditions trop favorables aux compagnies, disaient les autres : même avant la révolution de février, le cours des actions avait répondu. On reprochait au gouvernement de donner les actions de chemins de fer en proie à l’agiotage, et l’agiotage, qui se nourrit de chances illimitées, prenait pour programme les discours des adversaires du gouvernement, et jetait à la crédulité publique leurs calculs, si cruellement démentis par l’expérience. On lui reprochait d’entreprendre des ouvrages improductifs, et l’un de ces ouvrages, le plus attaqué, le canal latéral à la Garonne, a eu, dès l’ouverture de sa première section, une circulation presque égale à celle de nos anciens, canaux les plus fréquentés