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après tant d’ajournemens, une solution quelconque était un bienfait. L’expérience a prouvé que la solution qui prévalut pouvait être améliorée : à cette époque, elle était la seule praticable. La charge de l’état, quoique réduite, n’en était pas moins lourde ; des ressources extraordinaires étaient indispensables pour la supporter. L’appel fait récemment au crédit ne permettait pas, pendant quelques années, de recourir encore ; réserves de l’amortissement appartenaient aux trois exercices dont l’équilibre avait été rompu, mais le rétablissement de cet équilibre paraissait prochain ; les réserves de l’amortissement redevenaient la ressource de l’avenir, et la dette flottante fut la ressource provisoire qui permit de l’attendre.

Quoique ces prévisions aient été déçues, il ne fut pas téméraire de les concevoir. L’affermissement de la paix faisait décroître rapidement les découverts du trésor : l’exercice 1843 laissa moins de 40 millions à la charge de la réserve, qui s’élevait déjà à près de 70 millions ; l’exercice 1844 n’effleura pas même la sienne ; l’exercice 1845 eut un excédant de recettes, et les réserves de ces trois exercices eussent fourni aux grands travaux publics 178 millions si les charges imprévues des trois exercices précédens n’eussent absorbé d’avance cette ressource[1]. Cette pénible liquidation touchait à son terme, et l’exercice 1846 s’ouvrait avec une réserve disponible, lorsque les plus grandes calamites physiques vinrent fondre à la fois sur la France. Les désastres des inondations furent aggravés encore par la disette. Pendant que des crues presque sans exemple détruisaient les ressources de plusieurs départemens, l’insuffisance de la récolte en céréales et la hausse extraordinaire des prix désolaient tout te territoire. L’Europe entière était soumise à une crise commerciale compliquée d’une crise monétaire. Les salaires manquaient au travail, et les ressources à la bienfaisance. Le dévouement du gouvernement répondit à la courageuse résignation du pays. Il usa largement des crédits qui lui étaient alloués ; il ne craignit pas d’en demander de nouveaux. Il ferma, sans perdre un moment, les brèches des rivières débordées, et trouva ainsi dans le désastre même une occasion de soulagement pour les populations qui en avaient le plus souffert ; il redoubla d’activité dans ses travaux ouverts, et en ouvrit de nouveaux que, dans d’autres temps, il aurait ajournés ; il pressa, par ses encouragemens, toutes les communes de France à suivre son exemple, et les travaux des chemins vicinaux, subventionnés par l’état, créèrent un vaste atelier national dans tout le royaume. Il hâta les arrivages des grains en employant les vaisseaux de l’état à remorquer les bâtimens du commerce, dans les détroits des Dardanelles et de Gibraltar, et, admirablement secondé par

  1. Compte des finances pour 1847, pages 477 et 488.