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La Marquise.

Je puis me tromper cependant : dites-moi, n’avez-vous pas beaucoup connu autrefois M. Armand de Villiers ?

Le Marquis.

En effet ; mais je l’ai perdu de vue depuis quelques années. Il doit être quelque part en Chine, à ce qu’on dit.

La Marquise.

Il n’est pas en Chine ; réjouissez-vous.

Le Marquis.

Soit.

La Marquise.

Et non-seulement il n’est pas en Chine, mais encore vous le verrez demain ; il m’a fait demander si je pourrais le recevoir… Êtes-vous content ?

Le Marquis.

Enchanté… Ne vous a-t-il pas fait un peu la cour avant votre mariage ?

La Marquise.

Eh !

Le Marquis.

Oui, n’est-ce pas ?

La Marquise.

Il y a bien eu quelque chose à peu près comme cela.

Le Marquis.

Il fut même question de vous marier tous deux, si je ne me trompe.

La Marquise.

Le bruit en avait peut-être couru ; mais vous vous êtes présenté, marquis, (elle s’incline) vous vous êtes présenté : — c’est tout dire.

Le Marquis.

Vous ne l’aimiez donc pas ?

La Marquise.

Je ne sais ; je n’étais qu’une enfant, et je ne me rendais guère compte de ce que j’éprouvais dans ce temps-là.

Le Marquis.

Dois-je penser, madame, que vous faisiez profession à mon égard de cette même ignorance naïve, de cet insouciant éclectisme ?

La Marquise.

Vous me demandez des choses de l’autre monde ; comment voulez-vous que je me souvienne de ce que je pensais il y a quatre ans ?

Le Marquis.

En tout cas, vous n’aimiez pas Armand, à coup sûr ?