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fournirent 154 millions[1] aux besoins extraordinaires des trois premiers exercices de la monarchie de 1830 plus tard, elles formèrent le fonds extraordinaire des grands travaux publics ; au 1er janvier 1846, elles leur avaient fourni 182 millions[2].

Ce ne fut pas sans objection que passa cette double affectation des réserves de l’amortissement. Tout le monde n’admettait pas qu’il fût permis d’en disposer d’une manière absolue, comme d’une ressource libre et sans emploi. Si, par l’élévation du cours au-dessus du pair, disait-on, la rente cesse d’être rachetable, on peut suspendre l’amortissement, mais on ne doit pas le supprimer. Il faut accumuler la réserve durant les cours favorables ; si les circonstances ramenaient la rente au-dessous du pair, les réserves accumulées redoubleraient l’activité de l’amortissement et serviraient à la fois de point d’appui au crédit de l’état et de gage à ses créanciers.

Ce système prévalut d’abord[3] : le cours de la rente 5 pour cent n’était pas encore affermi dans l’opinion par l’expérience de plusieurs années, et le pair n’était pas tellement dépassé, qu’une chute au-dessous du pair parût presque impossible ; mais la marche ascendante du crédit public, la permanence des cours du 5 pour cent bien au-dessus du pair, modifièrent bientôt un système trop rigoureux. On voulait rester fidèle au principe fondamental de l’amortissement ; on voulait aussi donner un emploi utile aux réserves, qui, s’accumulant d’année en année, avaient déjà produit plus de 200 millions : on transigea entre une théorie trop rigoureuse et les convenances de la pratique ; les réserves de l’amortissement devinrent le fonds extraordinaire des travaux publics, et à mesure de leur emploi, la caisse d’amortissement dut recevoir en échange une inscription le rente correspondante au capital employé. Cette rente appartenait elle-même à la réserve et était affectée au même service. C’est ce qu’on a appelé la consolidation des réserves de l’amortissement[4]. On voit que les rentes que l’état créait par cette opération un peu compliquée ne constituaient point une dette obligatoire : comme les rentes rachetées, elles étaient à sa libre disposition ; il pouvait, à son gré, en servir les arrérages ou s’en affaiblir, suivant qu’il convenait mieux d’augmenter les ressources que les consolidations successives procuraient au service extraordinaire, ou de diminuer la dépense qu’elles imposaient au service ordinaire de ses budgets. L’état n’avait qu’une obligation, et jusqu’à la chute de la monarchie, il y est resté fidèle : c’était de restituer leur réserve aux fonds tombés momentanément au-dessous du pair. L’accomplissement de cette obligation

  1. Compte des finances pour 1847, page 371.
  2. Ibid., page 477.
  3. Loi du 10 juin 1833.
  4. Loi du 17 mai 1837.