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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 août 1849.


Des mots, des mots et toujours des mots ! Il est convenu que nous ne pouvons pas vivre sans les rumeurs de coulisse et sans les discours d’apparat. On aurait voulu croire que les vacances de l’assemblée législative seraient une occasion de trêve pour cet infatigable parlage, incessamment défrayé par les mille et une questions de personnes auxquelles les révolutions ne nous empêchent pas de rester abonnés. On avait aussi quelque raison d’espérer que, l’arène parlementaire une fois vide, on ne retomberait pas tout de suite dans le spectacle décidément monotone des tournois oratoires, et, pour si amoureux qu’on fût des grands morceaux d’éloquence, on n’était pas fâché de reprendre haleine. L’éloquence nous poursuit ; le congrès de la paix est venu remplir l’entr’acte que notre machine représentative nous laissait par grace, et nous avons été soumis à jouir de ses bruyans exercices. Puis, en même temps que la faconde humanitaire retentissait à nos oreilles et nous prophétisait une harmonie universelle, nous entendions circuler, dans des régions beaucoup plus terrestres, ces aigres bruits de discorde et d’inimitié politique qui, sous tous les gouvernemens, à travers tous les âges, se sont appelés et s’appellent des bruits de couloir : — Le ministère tiendra-t-il ? — Le ministère s’en va ! — Le ministère est parti ! — Quand on a répété ces bruits-là durant un nombre suffisant de jours ou de semaines, quand on est arrivé à les répéter sur un mode suffisamment aigu, on a chance d’obtenir ce qu’on nomme une crise, c’est-à-dire ce précieux moment pendant lequel, le pays ne sachant plus qui le conduira demain, chacun est libre d’imaginer qu’il doit aujourd’hui se charger de conduire. Ne fût-ce qu’aujourd’hui seulement, on aura du moins eu son tour : il n’y a que les amis de la paix dont l’enthousiasme soit de taille à travailler pour l’éternité. Les vigoureux champions qui embouchaient les trompettes de la salle Sainte-Cécile n’ont pas manqué sans doute de prendre en pitié les échos un peu criards qui leur disputaient l’attention du public. Ils n’auront pu supposer que des malices de journalisme occupassent les esprits