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Ces pressentimens ne tardèrent pas à se réaliser : au mois de janvier 1838, Omar était chargé de fers et conduit à pieds à Médéah, où se trouvait l’émir. Arrivé en sa présence, le prisonnier lui demanda la cause de son arrestation. « Remercie Dieu, lui répondit l’émir, de ce que mon cœur est compatissant, car, sans cette compassion, ta tête serait déjà tombée en expiation de tes crimes et de ceux de ton frère. Non contens d’avoir opprimé les musulmans, lorsque vos injustes pères gouvernaient le pays, non contens d’avoir amassé des richesses en dépouillant des Arabes, vous avez oublié votre religion, vous avez vécu dans la débauche. L’un de vous est allé chez les chrétiens pour venir ensuite asservir son pays, tandis que l’autre préparait les voies à l’infidèle. Le temps de la justice est venu. D’après le texte même du livre saint, vos têtes devraient tomber et tous vos biens devenir la propriété du beilik[1] ; mais, comme je te l’ai dit, ta vie sera sauvée à condition que tu me livreras tout ce que tu possèdes, toi et les tiens : le moindre oubli causerait ta perte. Fais connaître mes ordres à ta mère ; malheur à toi et à elle si elle tentait de s’y soustraire ! »

Omar écrivit à sa mère, et les cavaliers porteurs des ordres de l’émir se rendirent aussitôt à Milianah. Malgré les représentations des marabouts alliés d’Omar, malgré les supplications de ses serviteurs, les cris de désespoir de sa mère, au mépris même des lois les plus rigoureuses de l’islamisme, ils pénétrèrent dans les maisons occupées par la famille ; rien n’échappa à leurs infâmes recherches. Les femmes se virent brutalement dépouillées des bijoux dont elles étaient parées, et exposées sans voiles aux regards et aux mauvais traitemens des Arabes, autrefois leurs vils esclaves. Deux secrétaires de l’émir écrivaient l’inventaire des objets trouvés, tandis que les yeux avides des cavaliers cherchaient encore des trésors nouveaux. L’on estima à 400,000 francs environ les bijoux et l’or monnayé trouvés dans la maison d’Omar. L’émir, à la vue de ces richesses, qui lui étaient nécessaires pour envoyé Miloud-Ben-Arach en ambassade à Paris, fut saisi d’étonnement ; mais Si-Embarek, l’ennemi personnel d’Omar, n’était pas encore satisfait. Il prétendit que Jemna avait soustrait un trésor dont elle seule et une négresse dévouée connaissaient l’emplacement, et il envoya une lettre de Mohamed-ben-Omar, trouvée parmi les papiers de Jemna, dans laquelle Mohamed-ben-Omar demandait la bague de son père, afin d’acheter avec le prix une maison de campagne à Alger. Excité par le désir d’augmenter ses ressources, ne reculant plus devant aucun moyen, l’émir fit donner à Jemna la permission de voir son fils captif à Médéah. La pauvre mère croyait le cœur de l’émir touché de compassion ; elle partit en toute hâte le soir même de Milianah,

  1. L’état.