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d’Omar, son œil que nul ne pouvait regarder, ses longues moustaches noires, sa beauté éclatante, le firent nommer chaous. Peu de temps après, la fille d’un Turc de Milianah, nommée Jemna, que tous citaient comme une merveille, devint sa femme ; mais la prospérité d’Omar ne dura pas. Son frère Mohamed, dont le crédit auprès du pacha d’Alger portait ombrage au bey d’Oran, fut jeté en prison, et le bey donna l’ordre de le tuer. Omar fut aussi traîné dans le cachot de son frère. Quand l’exécuteur entra il voulut s’élancer pour défendre Mohamed ; mais son frère, l’arrêtant, lui dit : « L’heure de ma mort est arrivée, mon enfant. Il n’est pas donné à l’homme de résister au pouvoir du Très-Haut ; prie-le seulement chaque jour qu’il te choisisse pour venger ma mort, et songe que tu es le mari de ma femme et le père de mes enfans. » Dès-lors cette vengeance devint l’idée fixe d’Omar, et, lorsque sur l’ordre du pacha le bey l’eut renvoyé à Alger, le frère de Mohamed ne songea qu’à s’élever, afin de hâter l’instant du châtiment. Omar fut bientôt nommé caïd des Aribs, et sa femme Jemna, qui n’avait pu d’abord quitter Oran avec lui, parvint à le rejoindre à travers mille périls, sous la conduite de son père, Si-Hassan, et d’un serviteur fidèle, Baba-Djelloull.

Les gens de Tunis s’étaient avancés contre Alger ; la batille fut livrée, et les Turcs reculaient, lorsque Omar, s’élançant avec trente cavaliers, chargea hardiment, entraîna tout le monde, et décida le succès. Au retour, la milice entière le demandait pour agha. Pendant ce temps, Méhémet-Ali avait aussi vu grandir sa fortune. Le massacre des Mamelouks assurait sa puissance, et il témoignait son souvenir à son ancien ami en lui envoyant une tente magnifique.

Le pays, sous l’administration du nouvel agha, était florissant ; des ponts de pierre furent construits sur l’Isser et sur le Chéliff. Comme le disait la chronique arabe, la victoire accompagnait partout Omar. Son nom faisait trembler ses ennemis et il était béni de tous, lorsque le bey d’Oran, toujours acharné contre le frère de Mohamed, et redoutant cette nouvelle puissance, persuada au pacha d’Alger qu’Omar voulait s’emparer du pouvoir. Une lettre interceptée avertit heureusement Omar, qui courut aux casernes et assembla la milice. « C’est vous qui m’avez élevé, leur dit-il, je ne reconnais qu’à vous le droit de m’abaisser. Je viens me mettre entre vos mains ; vous me donnerez la mort ou me délivrerez de mes ennemis. » La milice furieuse se rua dans le palais du pacha, le poignarda (1810), et voulut nommer Omar. Celui-ci refusa ; le khrasnadji[1] fut alors élu. Tout-puissant, Omar put enfin travailler à sa vengeance. Le bey d’Oran s’étant révolté, il marcha contre lui, s’empara de son ennemi et le fit écorcher vif. Dans la pro-

  1. Trésorier.