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La route de Blidah traverse l’emplacement d’un bois d’orangers que le général Duvivier fit abattre au nom du génie militaire. Pendant deux ans, ces arbres servirent à chauffer les troupes ; ce qui en reste debout autour de la ville est encore assez beau pour rendre charmant le séjour de Blidah. C’était là, je l’ai dit, que le général Changarnier avait momentanément fixé sa résidence : à peine arrivés à Blidah, nous nous mîmes à chercher le quartier-général ; mais nous ne savions guère comment nous retrouver dans les rues, et, sans l’obligeance d’un Arabe, qui s’empressa, au nom du général, de marcher devant nous et de nous guider jusqu’à la maison du Changarlo, ainsi qu’il l’appelait, nous n’aurions jamais pu atteindre cette modeste demeure. Le général Changarnier habitait, en effet, une humble maison dans la ville arabe. Une sentinelle veillait à la porte, perdue au milieu de ce labyrinthe de rues, de places et de carrefours. Singulière habitation pour le chef glorieux d’une si grande province ! Le général n’était pas chez lui, il était allé visiter quelques travaux et ne devait rentrer que dans une heure ; mais son aide-de-camp, M. le capitaine Pourcet, nous offrit en son nom une gracieuse hospitalité. Rien de plus simple que cette maison : elle était composée de deux corps de logis. La porte d’entrée s’ouvrait sur une petite voûte qui soutenait un pavillon où couchait le général : c’était la seule et unique pièce au premier étage. La voûte franchie, l’on pénétrait dans une cour entourée d’une étroite galerie. À gauche, on trouvait une salle, longue comme les pièces mauresques, carrelée de gros carreaux à la marque du génie ; quelques tables de bois blanc, chargées de cartes et de papiers ; un lit caché par un rideau : c’était la chambre du capitaine Pourcet. Cette chambre servait aussi de bureau. Tout en face s’ouvrait la salle à manger. À droite et à gauche, deux chambres à peu près meublées étaient destinées aux étrangers. Dans l’autre corps de logis (toujours au rez-de-chaussée), il y avait une chambre qui prenait jour sous l’ombrage touffu d’un grand figuier, poussé au centre de la cour pour le plus grand bonheur des pigeons du voisinage. Pigeons et voyageurs étaient les bienvenus dans cette maison de l’hospitalité. À Blidah comme sous sa tente, l’hospitalité du général Changarnier était, en effet, passée en proverbe, même parmi les Arabes. Il ne nous fallut pas grand temps pour parcourir cette habitation de Spartiate, et nous allions prendre un peu de repos, lorsque le général rentra. Son accueil fut plein de bonne grace ; il nous salua comme des hôtes devenus des amis, dès qu’ils ont franchi le seuil de la maison. À notre grande joie, le général était à la veille de partir pour les expéditions dans lesquelles nous devions l’accompagner, et, dès notre arrivée à Blidah, nous n’eûmes qu’à songer au départ prochain.

La guerre, à cette époque (1843), durait depuis quatre ans dans la