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deux grands intérêts, deux grandes idées et deux grands partis : les deux intérêts étaient celui de l’église d’Angleterre, alliée de la royauté et celui des sectes protestantes dissidentes, habituellement hostiles au pouvoir royal ; les deux idées étaient l’idée d’autorité, représentée par l’église établie, et l’idée de liberté, représentée par les dissidens ; les deux partis étaient le parti de la conservation et le parti du progrès, les tories et les whigs. Enfin la royauté anglaise s’incarne dans Jacques II, et la lutte décisive va nécessairement s’engager, car Jacques II la provoque. Il porte en lui une pensée, le catholicisme, qui est directement antipathique à l’opinion nationale, des desseins radicalement contraires aux lois du pays, et une volonté qui compte se servir de la prérogative royale pour arriver à ses fins. Et pour qu’ici il n’y ait plus de confusion dans la lutte ni d’ambiguïté dans la solution finale, la royauté sera toute seule d’un côté, la nation tout entière de l’autre. Jacques va repousser en effet loin de la royauté et tourner contre elle l’intérêt, l’idée et le parti qui l’ont traditionnellement défendue jusqu’alors : l’église, puisqu’il veut malgré elle et contre elle rétablir le catholicisme ; la conservation, puisqu’il veut détruire les lois existantes ; les tories, puisqu’il les blesse dans leur affection la plus chère, celle qu’ils portent à l’église d’Angleterre. Ceci posé, les événemens se déroulent avec une logique invincible.

Jacques II fut reçu à son avènement au trône par les acclamations de l’église et des tories. Roi catholique, il avait été sur le point d’être exclu du trône à cause de sa religion ; il représentait donc avec plus d’éclat le triomphe du principe de la légitimité si ardemment soutenu par l’église et les tories. Un de ses premiers actes fut de promettre qu’il maintiendrait tous les privilèges de l’église. Il avait une telle réputation d’exactitude consciencieuse, que cette promesse suffit à la sécurité des churchmen : « Nous avons, disaient-ils, la parole d’un prince qui tient toujours sa parole. » Les ennemis politiques de Jacques commencèrent les premiers le combat. Il y avait alors deux partis chez les whigs. L’un, ayant à sa tête des grands seigneurs comme les Bedford et les Devonshire, ne voulait pas aller au-delà de l’opposition légale. L’autre était mené par les hommes violens qui avaient pris part aux complots de la fin du règne de Charles II. Ils avaient été forcés de fuir sur le continent ; réfugiés en Hollande, ils y conspiraient toujours. Ces conjurés voulurent se servir de l’influence du comte d’Argyle en Écosse, de la popularité du duc de Monmouth en Angleterre. Les deux insurrections éclatèrent en même temps et furent promptement vaincues. Ces agressions malheureuses accrurent la puissance de Jacques II. Seulement les rebelles furent punis après leur défaite avec une cruauté qui les rendit intéressans et montra l’implacable dureté le cœur de Jacques. C’est alors que Jeffreys commit ses plus horribles injustices et tint ces