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à ses cheveux courts et plats, à la solennelle gravité de sa face, au blanc de ses yeux contournés, à sa voix nasillarde ; car ils étaient comme ces bons pères dont parle Voltaire, lesquels réclamaient le droit de chanter du nez leur office, attendu qu’ils étaient capucins. Ces dehors repoussans couvraient d’abord une ferveur sincère ils finirent par être méprisés et haïs comme un masque d’hypocrisie. Le parti des têtes-rondes sortit donc profondément dépopularisé de la première révolution. Ses membres les plus haut placés et les plus honorables, déçus dans leurs nobles aspirations vers la liberté par la tyrannie des saints, appelèrent de leurs vœux la restauration. Cependant, réuni dans le parti whig, l’ancien personnel des têtes-rondes continua de représenter l’esprit et la cause de la liberté. Les whigs politiques sentaient que les attributions trop mal définies, trop peu limitées de la royauté, laissaient encore une trop large issue aux empiétemens des rois : ils auraient voulu arracher des garanties plus nombreuses et plus fortes pour les droits du parlement. Les presbytériens demandaient la liberté religieuse pour toutes les sectes protestantes, et, par une inconséquence bien digne de l’éternelle contradiction de la nature humaine, ils étaient les plus âpres à souffler la haine et la persécution contre les catholiques. Les classes commerçantes favorables au presbytérianisme, attentives à leurs intérêts matériels, susceptibles sur les questions de politique étrangère, presque toujours mécontentes, étaient toujours prêtes à disputer à la royauté les subsides qu’elle demandait au parlement, et à ne les lui accorder qu’en échange de concessions de pouvoir au dedans et au dehors.

Tels étaient alors les deux grands partis, tels ils se sont conservés, s’adaptant chacun au progrès des temps, mais identiques dans leurs élémens, dans leur caractère, et obéissant comme deux confédérations rivales à une discipline, à un mot d’ordre et à des chefs. Entre ces deux camps flottaient alors dans les régions élevées de la politique quelques esprits ou indécis, ou infidèles, ou sages, des justes milieux qui passaient tour à tour d’un parti à l’autre, soit qu’ils fissent simplement la cour à la fortune, soit qu’ils ne voulussent adopter des deux causes que ce qu’elles avaient de raisonnable et de juste, en repoussant également des deux côtés les extravagances et les excès. La double Interprétation qu’on pouvait donner à leur conduite les rendait impopulaires parmi les ardens des deux partis. On les appelait trimmers, nageurs entre deux eaux. Cependant, quoique les cadres des deux partis fussent fortement organisés et enracinés, pour ainsi dire, dans le sol, la masse de la nation était comme les trimmers ; elle fluctuait d’un parti à l’autre, suivant les fautes de ces partis mêmes, suivant les événemens, suivant le tour que prenaient les courans de cet électro-magnétisme moral qu’on appelle l’opinion publique. Ainsi, depuis