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qui a envahi toutes les langues, dont le bruit remplit, notre siècle et qui est inscrit au front d’un âge nouveau, c’est l’Angleterre qui lui a donné sa puissance talismanique dans le monde. Ce mot, jusqu’à la révolution de 1688, n’avait eu qu’un sens odieux ; il ne parlait à l’imagination que de séditions sanglantes, d’usurpations parricides, de consulsions mortelles. Jamais ce mot, sans la révolution de 1688, eût ébloui les nobles esprits, enflammé les grands coeurs. La révolution de 1688 a démontré qu’il pouvait y avoir des révolutions légitimes et heureuses. Voilà pourquoi le XVIIIe siècle avait d’avance attaché le mot révolution au grand mouvement de 1789. Voilà pourquoi, malgré une expérience grandiose et terrible, des hommes intelligens et généreux s’associèrent avec espérance à la révolution de 1830. Voilà pourquoi tant de peuples se sont précipités dans les révolutions comme dans le droit chemin qui les doit mener au bonheur. Eh bien ! après les déceptions et les désastres où une si longue illusion a entraîné l’Europe, le temps est venu de nous retourner vers cette révolution de 1688 ; le temps est venu de rechercher sérieusement ce qu’elle a été ; le temps est venu de lui demander pourquoi nous avons échoué où elle a réussi ; le temps est venu enfin, en lui comparant les révolutions continentales, d’expliquer par la différence des situations et des conduites la différence des fortunes. C’est ce que je voudrais essayer à l’occasion et à l’aide du beau livre de M. Macaulay.

Une révolution est, comme une victoire, l’issue d’un combat. Juger une révolution, c’est mesurer le terrain, évaluer les conditions, apprécier les acteurs d’une lutte. Ici le terrain est déterminé par le degré de développement auquel les institutions sont arrivées au moment de la crise ; les conditions du combat sont réglées par les idées, les intérêts, les mœurs du pays et du siècle ; les acteurs, ce sont les partis avec leurs traditions et leurs passions, les hommes avec leur caractère et leur génie. Ces points fixés, il devient aisé de démêler les fluctuations de l’esprit public, de suivre la marche des événemens et de comprendre l’histoire. J’observerai ce plan d’aussi près que possible pour extraire du vivant récit de M. Macaulay l’anatomie de la révolution de 1688.


I

Le terrain sur lequel s’accomplit la révolution de 1688 fut cette frontière jusqu’alors indécise où s’étaient rencontrées et combattues les invasions du gouvernement et la résistance des gouvernés le pouvoir du roi et la liberté du sujet, et, comme on dit en Angleterre, la prérogative de la couronne et les privilèges du peuple. Pour mesurer le degré auquel la lutte était arrivée au moment où Jacques II prit le trône, il faut remonter au moyen-âge. Les royautés féodales n’ont jamais