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PITT ET LES FINANCES ANGLAISES.

plicable au remboursement de la dette publique ; l’amortissement était fondé. Pitt prétendit même pouvoir disposer de 400,000 livres sterling de nouvel excédant, qu’il proposa d’ajouter, dès l’année courante, au million annuel de l’amortissement ; il se fit fort de payer sur les recettes ordinaires ce qui restait dû sur les armemens de 1790, et fit supprimer immédiatement les taxes additionnelles établies à cet effet. D’autres taxes nouvellement établies, comme celles sur les servantes, les charrettes, les chandelles, etc., furent également supprimées. Il promit, si la paix était maintenue, d’en abolir tous les ans quelques autres, tout en augmentant progressivement le fonds d’amortissement. Jamais, dit-il, la situation générale de l’Europe n’avait donné l’espoir plus fondé de quinze ans de paix ; or, cette durée de quinze ans était précisément le temps nécessaire pour porter la dotation de l’amortissement à son maximum ; en 1808, ce fonds devait avoir atteint 4 millions sterling ou 100 millions de francs. Les faits devaient donner, dès l’année suivante, un terrible démenti à ses prévisions, et l’Angleterre, qui se berçait, en 1792, comme son premier ministre, de tous les rêves dorés d’une longue paix, allait au contraire se trouver jetée dans la plus effroyable guerre de l’histoire ; mais, au moment où Pitt parlait, personne n’y croyait.

Un seul point pouvait être contesté dans cet admirable tableau : c’était la réalité de cet excédant nouveau de 400,000 liv. sterl. des recettes sur les dépenses ; mais qu’était-ce qu’une question de 400,000 livres sterling ou 10 millions de francs de plus ou de moins en présence de tant d’autres progrès si brillans et si certains ? Si l’excédant annoncé n’existait pas pour l’année courante, on comptait qu’il se réaliserait l’année suivante, car Pitt n’avait fait jusqu’alors qu’anticiper d’une année ou deux les résultats qu’il avait annoncés et qui avaient toujours fini par se vérifier. Par un dernier scrupule d’opposition, Sheridan annonça l’intention de contester encore cette affirmation de Pitt et de réclamer la nomination d’un comité pour l’examiner, mais il y renonça : la victoire de Pitt était désormais évidente. Que d’obstacles de tout genre il avait fallu surmonter pour en venir là ! que de difficultés et souvent que de mécomptes ! Une opposition pleine des plus beaux talens qui aient illustré la tribune anglaise, Fox, Sheridan, Burke, car Burke était alors de l’opposition, et y portait la même fougue qu’il mit plus tard à combattre ses anciens amis ; la malveillance du lord chancelier, l’hostilité déclarée du prince de Galles, la maladie du roi et la vacance du trône, deux élections générales à traverser, voilà les difficultés politiques. Le crédit public détruit, un déficit toujours renaissant, la nécessité d’établir presque chaque année de nouveaux impôts pour le combler, des habitudes de gaspillage à réformer partout, de grandes économies à réaliser dans les dépenses militaires, une