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impatience, fut consulté avec empressement ; mais, loin de donner satisfaction aux vœux et aux nécessités de l’industrie des chemins de fer, ce message ne contenait à l’article consacré aux travaux publics qu’une nomenclature rapide de ces travaux, dans laquelle on désigne nominativement une seule compagnie, celle d’Avignon à Marseille, en ajoutant que l’état administre provisoirement cette ligne, dont la compagnie concessionnaire est légalement dépossédée. Par parenthèse, cette dernière assertion n’est pas exacte. Les embarras financiers de la compagnie ont amené le séquestre de la ligne ; mais, si la compagnie parvient à désintéresser ses créanciers, leurs poursuites cessant, il n’y a plus de motifs pour maintenir le séquestre, qui d’ailleurs n’est point une prise de possession, mais simplement une mesure préservatrice et obligatoire, dans le droit comme dans l’intérêt de l’état.

À la vérité, dans un acte subséquent, lors de la présentation d’un projet de loi tendant à obtenir un crédit supplémentaire de 7 millions, applicable aux travaux du chemin de fer de Paris à Lyon, le ministre des travaux publics s’exprimait ainsi : « Nous devons appeler l’attention de l’assemblée nationale sur l’une des plus sérieuses questions qu’elle sera appelée à trancher : L’état doit-il s’attacher à conserver la construction et la gestion des chemins de fer ? Nous avons émis et développé la pensée que l’industrie privée serait dans des conditions meilleures que l’administration publique pour exploiter les chemins de fer ; toutefois la question reste entière. L’ouverture du crédit proposé par le présent projet de loi ne préjuge en aucune manière la solution qui vous sera demandée, etc, etc. » Nous ne demandons pas mieux que de prendre acte de ces paroles. Bien que la mise en exploitation par l’état opérée sur le chemin de Chartres, préparée avec activité sur le chemin de Lyon, ne nous semble pas un fait insignifiant, laissant la question aussi entière que le prétend l’exposé des motifs, nous ne chicanerons pas sur cette sorte de contradiction entre les paroles et les faits, et nous accordons qu’il est encore temps de discuter sérieusement s’il est conforme au bien de l’état qu’il se fasse messagiste ou entrepreneur de roulage, si les intérêts du commerce, de l’industrie, du public et du trésor seront aussi bien assurés et desservis par une administration publique que par une association industrielle. Toutefois nous dirons qu’il faut se hâter d’entamer cette discussion, de résoudre cette question entière, car, pendant qu’on réfléchit et qu’on n’en est pas encore à délibérer, le temps, un temps bien rude aux intérêts engagés, se passe. De grandes ruines se consomment, d’autres se préparent. Il n’y a pas un moment à perdre pour prendre un parti, pour adopter de ces mesures vigoureuses, décisives, qui sauvent la fortune d’un pays, son organisation sociale peut-être. N’en sommes-nous pas là aujourd’hui ?

En effet, ce n’est pas seulement des chemins de fer et de leur énorme capital qu’il s’agit ; ce serait bien assez cependant : nos grandes usines, notre industrie métallurgique, si développées naguère, si malheureuses aujourd’hui, sont parties à ce grand procès. On ne peut en différer la solution. L’existence de la population qu’elles emploient est compromise, et avec elle, on l’oublie trop, celle de tant d’hommes qui précèdent ou suivent cette population dans la voie du travail. Une grande forge, par exemple, qui fait vivre mille, deux mille ouvriers, donne de l’ouvrage à dix fois plus de monde avant ou après sa fabrica-