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REVUE. — CHRONIQUE.

ton prend le libre échange directement à partie, et essaie de prouver que la doctrine de la liberté illimitée du commerce ne repose ni sur des argumens théoriques valables, ni sur l’examen sincère des faits. Il établit ensuite que le système protecteur est le seul qui convienne à la situation actuelle des États-Unis, et que toute déviation de ce système n’a jamais manqué d’amener pour l’Union une crise industrielle et une crise commerciale. À l’appui de cette thèse, M. Colton a rassemblé nombre de faits curieux et intéressans. Malheureusement son livre, qui est à la fois dogmatique et polémique, manque d’unité, parce que deux questions qui sont distinctes, malgré un rapport incontestable, s’enchaînent de chapitre à chapitre et presque de page à page. L’auteur a voulu mener parallèlement la réfutation purement théorique des économistes anglais et l’examen de la situation économique et industrielle de l’Union américaine. Il en résulte qu’il mêle perpétuellement deux sortes d’argumens et deux sortes de faits, et que sa pensée en devient d’autant plus difficile à suivre. Si M. Colton avait pu éviter la confusion, défaut habituel des écrivains américains qui savent rassembler les faits mieux qu’ils ne savent les digérer, son livre, qui est instructif et rempli de remarques judicieuses, aurait considérablement gagné en intérêt. Tel qu’il est, cependant, c’est une réfutation des libres échangistes qui ne manque ni de talent ni de valeur.


DE LA CRISE INDUSTRIELLE SUR LES CHEMINS DE FER.

Parmi les causes du mouvement prodigieux des affaires industrielles et du développement de la production métallurgique avant 1848, la première, la plus marquante de notre temps, est sans contredit l’établissement des chemins de fer ; c’est l’événement industriel le plus considérable de l’époque. Ce mode de transport affecte et change, en effet, toutes les relations des hommes et des choses, et, avant même d’avoir produit tous ses résultats, il exige pour sa construction, pour la création et la mise en œuvre de ses moyens de service, un accroissement de travail et de production qui est à lui seul un grand mouvement industriel, une cause de dépenses et de recettes, d’action et de vie, dont l’interruption subite est une calamité.

Les chemins de fer ont été, il faut le dire, l’occasion de nombreuses controverses et de bien des aberrations. Cette industrie a certainement tout ce qu’il faut pour exciter l’attention des hommes réfléchis ; malheureusement elle exerce sur l’imagination un prestige qui a joué un grand rôle dans les discussions qu’elle a fait naître, qui s’est révélé diversement, suivant les lieux, les circonstances, mais auquel personne n’a complètement échappé.

En France, on a longuement discuté les principes ; chaque parti politique les a successivement adoptés ou combattus. L’exécution par l’état, dès l’abord, a frappé et divisé les esprits. Le gouvernement l’a tentée en 1838 ; l’opposition la repoussée, son opinion a prévalu. Après des essais infructueux en partie, après des tiraillemens plus ou moins fâcheux, on est enfin entré, en 1840, dans une voie pratique plus large et plus féconde. L’introduction des capitaux étrangers, la garantie d’un minimum d’intérêt, des prêts ou des subventions considérables, donnèrent la vie à de grandes entreprises, et d’importantes concessions faites à l’industrie privée offrirent promptement de brillans résultats. En |