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Cur ego, Davidicis assuetus cantibus odas
Cordarum resonare decem, sanctoque verenter
Stare choro et placidis coelestia psallere verbis
Clara satuliferi taceam miracula Christi ?

Sedulius, sans être éloquent, me semble cependant plutôt orateur que poète. Je retrouve dans son poème ces traits d’affectation et de subtilité chers aux rhéteurs du temps. De plus, il y a souvent dans son poème des leçons de morale qui se sentent des sermons et des homélies des pères de l’église ; il fait des scènes de l’Evangile une parabole morale. L’Evangile et la vie de Jésus-Christ, sous sa plume, commencent à devenir une de ces allégories si familières au moyen-âge. Ainsi, quand les mages sont venus adorer Jésus-Christ, et qu’au moment partir un songe les avertit de ne pas retourner à la cour d’Hérode, le poète s’écrie :

…Sic nos quoque sanctam
Si cupimus patriam tandem contingere, postquam
Venimus ad Christum, jam non repetamus iniquum.

Ce qu’il y a de curieux aussi dans Sedulius, et ce qui nous apprend de quelle manière, à cette époque, s’imitaient les auteurs anciens, ce sont les calques qu’il fait des vers de Virgile. On reconnaît là cette imitation de l’école, imitation toute mécanique, et bien différente de cette imitation inspirée qui est une des ressources du génie. Qui ne connaît ces beaux vers de Virgile, quand dans le quatrième livre de l’Énéide, il peint Didon contemplant du haut de son palais les préparatifs du départ d’Énée ? Déjà le rivage s’émeut, les Troyens bâtissent leurs vaisseaux, qu’ils finissent à peine, tant ils ont hâte de fuir.

Quis tihi tunc, Dido, cernenti talia sensus ?
Quosve dabas gemitus, quum littora fervere late
Prospiceres arce ex summa, totumque videres
Misceri ante oculos tantis clamoribus aequor ?

Voici comment Sedulius a imité ces vers. C’est au moment du massacre des innocens ; Hérode, du haut de son palais, contemple le massacre des enfans, et Sedulius s’écrie, croyant être éloquent :

Quis tibi tunc, Lanio, cernenti talia sensus ?
Quosve dabas fremitus (gemitus), quum vulnera (littora) fervere late
Prospiceres arce ex summa, vastumque (totumque) videres
Misceri ante oculos tantis plangoribus (clamoribus) aequor ?

Tout le monde sent la maladresse de cette imitation, qui substitue péniblement un mot à l’autre, sans s’inquiéter du plus ou moins de propriété de l’expression, et sans oser rompre le cadre du vers qui sert de soutien à sa faiblesse. Ailleurs, Sedulius imite les vers de Virgile