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le télégraphe fut essayé est de dix milles anglais où quatre lieues de France. Ces expériences eurent pour témoins une commission de l’institut de Philadelphie et un comité nommé par le congrès des États-Unis. Les rapports de ces deux commissions furent très favorables. Le comité du congrès proposa de consacrer 30,000 dollars (150,000 fr.) à une nouvelle expérience, sur une échelle plus étendue. C’est à la suite de ces derniers essais, dont les résultats furent sans réplique, que le système télégraphique de M. Morse, adopté par le gouvernement, fut établi tel qu’il existe aujourd’hui sur un grand nombre de chemins de fer des États-Unis.

Rien n’est plus simple que le système du télégraphe électro-magnétique américain. À la station où les dépêches doivent être reçues, se trouve un aimant temporaire en fer doux, autour duquel s’enroule l’extrémité du fil conducteur du télégraphe. Une pièce de fer mobile autour d’un axe est placé en regard de cet aimant, qui a une forme demi-circulaire, et est attiré par le fer lorsque passe le courant électrique. L’autre extrémité de cette pièce de fer est armée d’un petit levier qui porte un crayon. Sous ce crayon est un ruban de papier qui marche continuellement à l’aide de rouages d’horlogerie. À la station d’où partent les dépêches, il existe une pile voltaïque en communication avec le fil conducteur ; ce fil est interrompu sur un point de son trajet à peu de distance de la pile. Les deux extrémités disjointes du fil conducteur sont plongées dans deux coupes contigus contenant du mercure, de telle manière que l’on peut établir ou interrompre à volonté le courant, en plongeant ces extrémités dans la coupe ou en les retirant.

Quand on établit le courant, en plongeant les deux extrémités du fil dans le deux coupes, le fer à cheval est instantanément aimanté ; il attire à lui la pièce de fer doux dont le mouvement pousse le crayon contre le papier. Quand le circuit est interrompu, le magnétisme du fer à cheval disparaît, et le crayon s’éloigne du papier. Lorsque le circuit est ouvert et fermé rapidement, il se produit sur le papier mobile de simples points ; si au contraire il reste fermé pendant un certain temps, la plume trace une ligne d’autant plus longue que la durée du circuit a été plus prolongée. Enfin, rien n’est tracé sur le papier, tant que le circuit est interrompu. Ces points, ces lignes et ces espaces blancs conduisent à une grande variété de combinaisons. M. Morse a construit un alphabet à l’aide de ces élémens.

Le télégraphe américain est, comme on le voit, un instrument qui écrit lui-même les dépêches qu’il transmet. Le premier modèle de ce genre de télégraphe, construit par M. Morse, employait un crayon de mine de plomb. Comme il fallait à chaque instant aiguiser ce crayon, on le remplaça par une plume à laquelle un réservoir fournissait constamment de l’encre. Cette plume donna d’assez bons résultats, mais l’écriture parut confuse ; d’ailleurs, si la plume s’arrêtait quelque temps, l’encre s’évaporait et laissait dans la plume un sédiment qu’il fallait retirer avant de la mettre de nouveau en activité. Ces difficultés ont forcé l’inventeur à rechercher d’autres manières d’écrire. Après bien des expériences, il s’est arrêté à l’emploi d’un levier d’acier à trois pointes, qui imprime sur le papier tournant des marques très nettes et très durables. Ces pointes métalliques laissent sur le papier, qui est très épais, des marques en relief, analogues à ces caractères que les doigts de nos jeunes aveugles lisent si facilement.