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PITT ET LES FINANCES ANGLAISES.

tard qu’il n’était qu’apparent, elle s’en inquiétait peu. Pour la première fois depuis bien des années, on n’entendait pas parler d’emprunt pour subvenir aux dépenses courantes. Après tant de déficits accumulés, l’équilibre était à lui seul un progrès suffisant. Quant à l’arriéré, Pitt, qui en avait déjà comblé une partie, finirait bien par liquider le reste. L’opposition avait beau jeu à étaler les embarras du pays, mais elle ne donnait pas le remède à ces embarras, tandis que le jeune ministre travaillait sans relâche à les éteindre. Mieux valait donc soutenir un ministère réparateur, même en supposant qu’il exagérât les bons côtés de la situation, que donner raison à l’opposition, qui en exagérait inutilement les mauvais.


III.

Dès ce moment, Pitt fut maître du terrain. Les taxes additionnelles elles-mêmes n’excitèrent dans le pays que les clameurs absolument inévitables. On n’avait pourtant encore vu nulle part une telle accumulation de taxes. Une caricature parut à cette époque et fut quelque temps assez à la mode. Elle représentait le Breton né libre ou John Bull, c’est-à-dire le peuple anglais, sous la forme d’un homme écrasé sous le poids des impôts. Sur le drap qui formait ses habits, sur le linge de sa chemise était écrit en grosses lettres custom (douane) ; sur d’autres parties de son corps, excise ; sur sa tête et sur ses mains, stamp (timbre). Son large cou portait une sorte de joug ; sur l’un des bouts de ce joug était écrit dette nationale ; sur l’autre, liste civile. De ces deux bouts pendaient des ballots représentant les taxes sur la bière, le thé, le vin, le tabac, le sucre, le charbon ; à sa droite était une maison placardée de haut en bas d’affiches pour les taxes : taxe sur les tuiles du toit, taxe sur les briques du mur, taxe sur les fenêtres, taxe sur les boutiques, etc. ; un autre édifice placé à sa gauche était également placardé de taxes pour les paroisses, le droit des pauvres, l’éclairage, le pavé, ou de taxes sur la vie civile, les naissances, les baptêmes, les mariages, les enterremens ; la terre où il posait les pieds portait elle-même en grosses lettres land tax ; enfin, les taxes futures s’approchaient de lui sous la forme d’un crocodile prêt à le dévorer. Tout cela était vrai sans doute, mais pouvait-il en être autrement ?

De son côté, Pitt fit grand bruit de l’excédant de recettes de 900,000 liv. sterling qu’il était, disait-on, parvenu à obtenir. Il en fit le point de départ d’un système d’amortissement de la dette « qui aurait suffi, dit son panégyriste Tomline, à immortaliser son nom et à lui assurer l’ardente reconnaissance des générations présentes et futures. » Ce plan fort simple consistait à appliquer tous les ans 1 million sterling au rachat des titres de la dette au cours du jour ; ce fonds devait être dé-