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L’application de l’électricité à la télégraphie n’est pas cependant parmi nous de date si récente. Il a tout juste un siècle que les premiers essais de ce genre furent exécutés, et depuis cette époque l’ardeur de nos savans ne s’est guère ralentie à la poursuite de ce magnifique problème. L’idée d’appliquer l’électricité à la transmission des signaux est en elle-même si simple, qu’elle vint naturellement à l’esprit des physiciens qui observèrent les premiers la rapidité prodigieuse avec laquelle le fluide électrique circule dans ses conducteurs. Toutefois, pour plier aisément l’électricité aux exigences infinies des communications télégraphiques, il aurait été nécessaire de posséder une connaissance approfondie des propriétés de ce fluide. Or, pendant toute la durée du XVIIIe siècle, l’électricité ne fut que très imparfaitement connue. Aussi bien des tentatives, bien des essais inutiles furent-ils réalisés dans cet intervalle ; l’idée de la télégraphie électrique fut cent fois abandonnée et reprise. D’ailleurs, en même temps que les physiciens s’efforçaient d’appliquer l’agent électrique à la transmission rapide de la pensée, d’autres savans cherchaient la solution du même problème dans l’emploi de moyens en apparence plus simples. Un grand nombre de mécaniciens s’occupaient d’établir un système rapide et régulier de correspondance, en combinant divers signaux formés dans l’espace et visibles à des distances éloignées. Les difficultés sans cesse renaissantes qu’on rencontrait dans le maniement pratique de l’électricité encourageaient les efforts des partisans de la télégraphie aérienne. Enfin, dans les dernières années du siècle, la persévérance et le génie d’un mécanicien français mirent un terme à ces luttes. La découverte du télégraphe de Chappe, qui remplit d’une manière si remarquable les conditions les plus variées et les plus difficiles de l’art, consacra le triomphe de la télégraphie aérienne. C’est alors que fut adopté et établi le système de télégraphes aériens qui couvrent aujourd’hui de leur réseau la surface de la France et des grands états de l’Europe.

Cependant, depuis cette époque, la physique s’est enrichie d’admirables conquêtes. L’électricité a révélé au génie de nos savans des propriétés inattendues. Ces caractères, ces aptitudes nouvelles, si heureusement découverts dans l’agent électrique, ont permis de le manier et de l’assouplir comme le plus docile de nos instrumens. Dès-lors, la télégraphie électrique a pu regagner le terrain qu’elle avait perdu, et elle n’a pas tardé à mettre en évidence son incontestable supériorité sur la télégraphie aérienne. On comprendra aisément qu’il nous serait impossible de séparer l’histoire de ces deux inventions qui, par des moyens différens n’en tendent pas moins au même but. Toutes deux ont marché simultanément, s’atteignant, se dépassant au milieu des fortunes les plus diverses s’empruntant mutuellement le secours de leurs méthodes et de leurs perfectionnemens respectifs, se disputant à des titres divers le succès et la faveur publique. Ces deux branches d’un art important sont si étroitement unies, qu’à les disjoindre, à les considérer isolément, on courrait le risque de c’être inexact ou inintelligible.


I

Les premiers essais sérieux de télégraphie ne datent que de la fin du XVIIe siècle. Chez tous les peuples et dans tous les temps on a employé, il est vrai, divers systèmes de signaux destinés à transmettre rapidement des avis d’un point à