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que pour des sommes insignifiantes ; l’augmentation du revenu était obtenue presque tout entière sur les anciens impôts, grace aux améliorations introduites dans la perception, à la répression de jour en jour plus active de la contrebande, et surtout au progrès de la richesse et du bien-être dans le pays. L’Angleterre payait avec plus d’aisance, en 1786, 15 millions et demi sterling de contributions que 12 millions et demi deux ans auparavant. Le grand art, pour accroître les recettes d’un pays, consiste moins en effet dans l’établissement de nouveaux impôts que dans l’impulsion donnée aux affaires par un sentiment général de confiance et de sécurité. Sous ce rapport, l’administration de Pitt avait fait des merveilles. La nation oubliait peu à peu les jours néfastes de la guerre contre l’Amérique, et, se tournant vers l’avenir avec un retour d’espérance, elle cherchait désormais en elle-même la compensation de ce qu’elle avait perdu au dehors. L’industrie, le commerce, l’agriculture, la navigation, se développaient rapidement.

Le brillant tableau présenté par le comité n’était cependant pas complètement exact, et l’opposition ne se fit faute de le faire remarquer. Fox, Sheridan, sir Grey Cooper, contestèrent toutes les conclusions du rapport. Selon eux, l’excédant de 900,000 livres sterling des recettes sur les dépenses n’était qu’un mensonge. D’abord, le comité n’avait pas fait mention de plusieurs dépenses qui, pour être extraordinaires, n’en étaient pas moins obligatoires, telles que des sommes dues à la liste civile, l’augmentation d’apanage pour le prince de Galles, les indemnités que les loyalistes américains sollicitaient depuis long-temps, les 2 millions sterling que l’état devait à la banque, etc. Ensuite, l’opposition prétendait avec raison que les dépenses ordinaires avaient été réduites outre mesure, que la marine, par exemple, ne pouvait pas se renfermer dans le crédit qui lui était affecté en présence des armemens des autres nations, et que, sur toutes les autres branches des dépenses publiques, de semblables mécomptes se présenteraient. À ces observations parfaitement fondées s’en joignaient d’autres qui l’étaient moins ; on disait que les recettes des douanes et de l’excise avaient été exceptionnelles en 1785, que rien ne permettait d’espérer qu’elles se maintinssent à ce taux ; on profitait d’une diminution momentanée que les recettes des douanes avaient essuyée dans le premier trimestre de 1786 pour annoncer dans l’avenir une réduction analogue sur toutes les taxes.

C’est ici qu’on ne saurait trop admirer le bon sens dont fit preuve en cette occasion la nation anglaise. Ces critiques, assez justes pour la plupart, ne firent aucune impression sur l’esprit public ; le système de Pitt était désormais jugé. Il avait fait non-seulement tout ce qui était possible, mais bien au-delà de ce qu’il était raisonnable d’espérer en 1783 ; l’Angleterre n’en demandait pas davantage. Que le fameux excédant de 900,000 liv. ster. fût réel ou fictif, et l’expérience prouva plus