C’est une habitude qu’elle a d’imiter l’action d’une personne qui se lave les mains. Je le lui ai vu faire un quart d’heure de suite.
Écoutez, elle parle. Je vais écrire ce qu’elle dira, afin de le graver dans ma mémoire.
Quoi ! toujours cette tache ! Va-t’en, tache maudite, va-t’en, te dis-je… etc.
Qu’y a-t-il dans cette magnifique scène, une des plus émouvante qu’ait inventées Shakspeare ? Un simple monologue coupé d’a parte. Le premier écolier venu se chargerait de le faire remarquer à M. Muller Depuis son entrée jusqu’à la fin, lady Macbeth endormie ne se doute pas de la présence des deux témoins placés là pour l’observer et recueillir ses paroles. Le médecin et la suivante ne sont que des spectateurs accessoires, tellement accessoires, que leur absence n’empêcherait pas l’action. Ils assistent seulement au drame et échangent a mi-voix de brèves réflexions, tandis que la reine laisse échapper ses remords dans le silence de la nuit. Ce qui engendre la terreur, c’est le silence, c’est le calme extérieur au milieu duquel s’accomplit l’involontaire révélation. Aussi le poète s’est-il gardé de rompre ce silence par des exclamations et des mouvemens inutiles, non-seulement chez les deux personnages secondaires, ce qui eût été contraire au bon sens, mais encore chez lady Macbeth elle-même qui, dans son hallucination, conserve, avec l’inflexible sang-froid de son caractère, ce calme égaré qui caractérise l’aliénation.
Qu’a fait M. Muller ? Sur le premier plan, il place son médecin gesticulant, une jambe tendue en avant comme un ténor qui chante sa cavatine ; à côté de lui, la suivante étend le bras d’un air théâtral vers lady Macbeth, qui, demi-nue, les cheveux épars, tord ses mains et enfonce sa tête dans ses épaules par un geste désespéré. On croirait à une scène de malédiction paternelle. Était-il possible de concevoir les choses plus à rebours, de se montrer plus complètement inintelligent ? M. Muller, évidemment, n’a étudié le drame qu’à l’Ambigu ou dans le quatrième acte de la Favorite, dont il nous étale ici toute la défroque haletante et fiévreuse. Si de la composition ainsi manquée on passe à chaque personnage en particulier, on en trouve le type, l’ajustement, le dessin aussi peu réfléchis. Cette lady Macbeth n’est qu’une grisette exaspérée. Ce n’est point ainsi qu’on se représente, d’après le poète, la terrible femme de Cawdor. La tête du médecin est mieux, quoique trop effarée. Comment toutes ces mains microscopiques sont-elles dessinées, bon Dieu ! Il était impossible de disposer plus maladroitement celles du médecin et de la suivante, qui forment sur le fond d’étoffes brunes trois taches blanches impardonnables à un coloriste