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PITT ET LES FINANCES ANGLAISES.

Ces trois bills sur un sujet qui avait excité à un si haut degré l’inquiétude publique furent reçus avec une satisfaction générale, excepté par ceux dont ils venaient détruire la coupable industrie. Ils sont d’autant plus dignes d’attention, qu’ils furent les premiers exemples de ce système mis si souvent depuis en pratique par les financiers anglais, et qui consiste à diminuer les droits pour augmenter le revenu.

Quand Pitt ouvrit son budget, le 30 juin 1784 (on désigne ainsi la séance où le ministre des finances présente l’exposé général des recettes et des dépenses de l’année), il commença par rappeler que les besoins du pays rendaient ce travail plus lourd et plus pénible pour lui que pour aucun des ministres qui l’avaient précédé. Il avait néanmoins la consolation de penser que ces besoins n’avaient pas été créés par lui ; il les avait trouvés en prenant les affaires, et, quoiqu’il fût dans l’indispensable nécessité d’imposer au pays de nouveaux sacrifices, il ne devait pas mettre des considérations personnelles en balance avec les devoirs de sa situation. Il avait confiance dans le bon sens et le patriotisme de la nation anglaise, qui supporterait ces charges avec courage après une longue et coûteuse guerre. Passant ensuite à l’examen des recettes et des dépenses publiques, il constata pour l’année, ainsi qu’il a été dit plus haut, un déficit de 10 millions sterling ou 250 millions de francs, en y comprenant les 50 millions dus à la banque, mais sans rien compter pour le remboursement de la dette flottante. Les directeurs de la banque consentaient que le paiement de leur créance fût renvoyé à une autre année ; les bons de l’échiquier pouvaient être remplacés par d’autres ; la somme à trouver était donc réduite à 8 millions sterling ou 200 millions de francs. Une meilleure perception des taxes et des économies sur l’armée pouvaient encore donner 2 millions sterling ou 50 millions de francs ; restaient 6 millions sterling ou 150 millions de francs qu’on ne pouvait se procurer que par un emprunt.

Ce nouvel emprunt était nécessaire ; il fut voté. La supériorité de l’administration nouvelle se fit sentir par la manière dont il fut concédé. Les précédens ministres avaient fait de la concession directe des emprunts un instrument de patronage et un moyen d’enrichir leurs amis et partisans aux dépens de la nation. Pitt adopta un nouveau mode qui lui réussit parfaitement et qui est maintenant généralement suivi. Il fit donner avis, par l’administration de la banque aux capitalistes de la cité, qu’il était prêt à contracter un emprunt avec ceux qui lui offriraient les meilleures conditions, et que des billets de loterie seraient distribués parmi les prêteurs en proportion des sommes prêtées. Ceci amena, comme il s’y attendait, une concurrence. Deux compagnies déposèrent des propositions qui furent ouvertes en présence du gouverneur et du sous-gouverneur de la banque, et Pitt accepta