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prolétaire ; la révolution de février avait été faite pour les prolétaires. Il fallait se hâter de proclamer la liberté des prolétaires noirs. La Guadeloupe recueille aujourd’hui les fruits de cette politique violente. Elle a, comme l’a eue la France au mois de juin 1848, la liberté de la guerre civile. C’et la seule liberté que sache donner et pratiquer le parti montagnard.

Après une révolution comme celle de 1848, les idées ont encore plus besoin que les intérêts des distractions de l’émigration. L’émigration est un des remèdes de notre société, non qu’il y ait trop d’hommes en France, mais il y a trop de désirs. Il faut donc ouvrir aux générations aventureuses et déclassées qui se pressent dans nos villes, il faut leur ouvrir la carrière des aventures de l’émigration, afin qu’elles ne s’ouvrent pas la carrière des aventures de la révolution. Il y a beaucoup de gens dans la foule toujours tentés d’émigrer vers les Tuileries. Il faut détourner l’émigration des Tuileries vers Alger et vers les Antilles, car ce n’est pas trop que d’avoir deux buts à marquer à l’ardeur de la foule. De là l’intérêt que nous avons à conserver et à défendre les Antilles. Aux Antilles, l’ouvrier métropolitain sera, en dépit des opinions qu’il aura apportées, une sorte d’aristocrate, parce qu’il sera blanc ; il s’attachera à la société coloniale blanche, et pèsera contre la société coloniale noire ; il sera enfin, et c’est là seulement ce que nous voulons dire, un des élémens de l’équilibre que nous invoquons.

Nous pensons qu’avant de se séparer l’assemblée nationale voudra examiner cette lamentable histoire des élections de la Guadeloupe, et donner satisfaction à la conscience publique.

L’assemblée nationale va se proroger pour six semaines, du 13 août au 1er octobre. Nous ne devons considérer que le côté politique de cette mesure : aussi elle nous semble excellente. C’est une marque de confiance que l’assemblée donne au ministère, et cette marque de confiance est juste et méritée. Quand une chambre s’accorde avec le ministère, c’est le ministère qui la représente pendant son absence, et cette représentation vaut mieux que celle de la commission permanente qui ne peut que convoquer l’assemblée. Ce qui ajoute à l’importance et à l’opportunité de la prorogation, c’est la discussion qui l’a précédée. L’opposition radicale n’a pas manqué de parler de ces rumeurs de coup d’état que nous signalions en commençant ; elle aurait eu bien envie d’y croire, mais il n’y a pas eu moyen. M. Dufaure a répondu que la tranquillité du pays pendant la prorogation, et il l’a fait avec une assurance singulière, engageant sa parole, quoiqu’il ne la risque pas témérairement, qu’il n’y aurait ni émeutes ni coup d’état. Et, encore une fois, pourquoi un coup d’état ? À quoi bon ? Pour avoir ce que nous avons ? Mais la meilleure manière de l’avoir, c’est de le garder. Pour l’avoir sous une autre forme. La forme n’importe qu’aux esprits frivoles. Pour l’avoir avec plus de durée ? Nous l’aurons, quand nous le voudrons, en révisant sur ce point la constitution, et nous avons expliqué comment on peut réviser la constitution sans dissoudre l’assemblée, par conséquent sans rompre la majorité conservatrice qui fait en ce moment la force du pays. Si la légalité devait nous imposer quelques sacrifices de résignation, nous dirions qu’il faut les faire, persuadés, comme nous le sommes, que le respect de la loi rapporte en général plus qu’il ne coûte. Mais puisque la légalité ne nous contrarie même pas, puisque nous pouvons sa-