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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 juillet 1849.

Le 13 juin, l’ordre public a remporté une grande victoire ; le parti montagnard et socialiste a offert la bataille ; il l’avait appelée de ses vœux et de ses cris. La société française a accepté le combat, et le combat n’a pas été long. La révolte a été battue, dispersée. À sa défaite elle a ajouté le ridicule. Si donc la victoire porte avec elle quelques effets ; si être vainqueur, ce n’est pas seulement n’être pas tué, jamais journée n’a dû avoir de plus heureuses et de plus salutaires conséquences que la journée du 13 juin. Tout le monde aussi bien croyait qu’au lendemain de cette journée la prospérité allait renaître ; tout le monde croyait que l’industrie, le commerce, le travail, rassurés par la chute de leurs éternels ennemis, allaient reprendre leur essor, de telle sorte que la victoire du 13 juin n’était pas seulement une journée décisive, elle passait pour l’être. L’effet moral se joignait à l’effet matériel.

D’où vient donc qu’en dépit du triomphe de l’ordre sur le désordre, l’industrie, le commerce et le travail semblent encore incertains et timides ? D’où vient que la chute du mal n’est pas suivie immédiatement par la renaissance du bien ? À quoi attribuer l’hésitation et l’attente ? Il faut le dire : personne n’est tenté de faire des entreprises à longue échéance sous un gouvernement à courte échéance. Voilà le mot de la situation.

Un gouvernement au jour le jour ne comporte qu’un commerce au comptant, et le commerce au comptant ne roule que sur les objets de nécessité. On pourrait dire à ce sujet que le commerce au comptant est un commerce essentiellement républicain. Il ressemble au commerce spartiate. À Sparte, on avait une monnaie de cuivre lourde et embarrassante. Tout commerce au comptant se sert de la monnaie de Sparte, fût-elle d’or ; il ne fait que de petites ventes et de petits achats, il ne fait que le nécessaire. Nous sommes prêts à reconnaître que, de cette manière, les fantaisies et les passions ont moins d’instrumens et de facilités. Le luxe est à peu près impossible. L’esprit d’économie et de frugalité en toutes choses se développe. On a plus d’avares que de prodi-