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l’ancien parti exalté, l’ancien parti carliste n’était qu’une coalition, un assemblage d’exigences hétérogènes qui, aujourd’hui, sont ou divisées ou désintéressées.

On a voulu voir dans le parti carliste espagnol le pendant du légitimisme français : où est la similitude ? Dans les idées ultra-monarchiques, le bon plaisir de Ferdinand VII restaurant l’ancienne règle d’hérédité était-il plus contestable que le bon plaisir de Philippe détruisant cette règle ? Logiquement, les adorateurs du passé avaient ici deux raisons pour une d’accepter l’ordonnance royale du 5 avril 1830, qui n’était qu’un retour à la vieille loi fondamentale. Au point de vue légitimiste, le testament de Ferdinand VII avait donc pour lui le droit et la tradition, avant même que la sanction des cortès l’eût légalisé au point de vue libéral. Ainsi l’a compris la haute aristocratie espagnole, qu’on ne peut cependant soupçonner d’hostilité au dogme monarchique : à de rares exceptions près, elle n’a pas donné d’adhérens à don Carlos. Le principe mis hors de cause, que restait-il du parti carliste espagnol ? Deux intérêts : l’intérêt des libertés basques et celui des privilèges du clergé, l’un essentiellement démocratique, l’autre essentiellement absolutiste, mais qui, ayant tous deux à redouter les tendances du parti libéral, officiellement représenté par Isabelle II, s’étaient ralliés d’un tacite accord à don Carlos, adversaire officiel d’Isabelle et de ce parti. Or, ces deux intérêts sont aujourd’hui désarmés.

À la suite du traité de Bergara, les fueros basques ont été confirmés, « sauf en ce qui touche à l’unité constitutionnelle de la monarchie. » La loi qui doit définir cette restriction est encore à faire ; on semble éluder, de part et d’autre, un règlement de comptes qui pourrait tout remettre en question ; mais, en attendant, les provinces s’administrent elles-mêmes, sont exemptées ou à peu près de la conscription et considérablement privilégiées dans la répartition de l’impôt général. Elles ont tout ce que leur garantissait don Carlos, moins la guerre et les désastres que don Carlos leur apportait. Le doute qui ne peut planer sur l’interprétation définitive de la loi de 1839 n’est-il pas d’ailleurs pour les Basques un nouveau motif de soutenir le parti modéré, qui leur a donné d’incontestables témoignages de loyauté et de bon vouloir, et de repousser le montemolisme, aujourd’hui réduit à faire des avances aux adversaires les plus systématiques des fueros, aux exaltés ?

L’élément religieux de l’ancien parti carliste est également hors de cause. La loi qui suspendait, dès 1845, la vente des biens nationaux avait préparé la réconciliation du gouvernement et du saint-siège ; l’avènement de Pie IX l’a accomplie. Roma locuta est, causa finita est, dit un adage de droit espagnol, et le clergé, sans excepter ceux des prélats qui avaient exercé une action dirigeante dans le parti carliste, s’est franchement rallié aux nouvelles institutions. C’était d’ailleurs