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un effort de plus. Eh bien ! j’ai hâte de le dire, il n’y a rien d’anormal et de factice dans la consolidation subite du parti modéré. Le gouvernement avait préparé de longue main ces résultats, et il a su les utiliser et propos, ce qui est le grand point ; sa part est encore ici assez belle, mais c’est surtout en elle-même, dans le reclassement naturel de ses intérêts, dans la transformation nécessaire et prévue de ses partis, que l’Espagne a trouvé les élémens de sa reconstitution. Voilà le fait caractéristique et capital de la situation que nous voudrions étudier. C’est la guerre civile qui abdique et la véritable révolution qui commence : révolution étrange qui, par une rassurante transposition de tous les précédens, de toutes les analogies, a pour condition essentielle l’ordre, pour modérateur le peuple, pour point d’appui les hautes classes, pour moteur intéressé le pouvoir.

Pourquoi finit la lutte ? comment s’engage la révolution ? Ce sont là deux questions qui dominent toutes les autres et qu’il convient d’examiner successivement.


I

L’accord des trois élémens montemoliniste, exalté proprement dit et républicain dans le diminutif de guerre civile qui vient d’expirer entre l’Ebre et les Pyrénées est incontestable. La junte libérale de Perpignan et la junte républicaine de Bayonne ont favorisé tour à tour l’expédition de Cabrera en Catalogne et celle d’Alzaa en Navarre. Ces deux juntes correspondaient à Pau avec un comité mixte, et à Toulouse avec un comité montemoliniste central, lesquels recevaient de Londres des ordres et de l’argent. Les ordres venaient de la petite cour du prétendant, et l’ancien ministre exalté Salamanca expédiait les fonds. Où les prenait-il ? Je ne veux accuser personne, mais il est constant que le prétendant d’une part, M. Salamanca et trois banquiers de ses amis d’autre part, ont successivement échoué dans leurs tentatives d’emprunt, et, par une coïncidence singulière, les dépenses secrètes du Foreign-Office ont atteint en 1848 un chiffre relativement exorbitant. Comment expliquer d’ailleurs, si ce n’est par certaines connivences officielles, les nombreuses expéditions de fusils faites d’Angleterre vers l’Espagne, une époque où les mesures exceptionnelles décrétées contre le chartisme faisaient planer une surveillance rigoureuse et continue sur cette branche de la production britannique ? Ajoutons que des canons sortis des arsenaux de la Grande-Bretagne ont été également dirigés vers la Méditerranée, et que ce fait, dénoncé à temps, ne put être justifié que par un malentendu. Mais à quoi bon rester dans le domaine des rapprochemens et des mystères ? Les scrupules de lord Palmerston n’étaient-ils pas ici fort à l’aise ?