a été la loi de nos relations avec la république constitutionnelle. Nous sommes en parfait rapport d’amitié, d’alliance, nous fesons cause commune contre les socialistes ; mais nous n’avons pas cru le moment arrivé de conclure une union plus complète, quelque désirable qu’elle fût d’ailleurs. La république constitutionnelle, née, en même temps que nous, des mêmes événemens, des mêmes périls, des mêmes efforts, n’a pas apprécié comme nous la cause des désastres dont nous avons tous souffert ; nous ne concevons pas de la même manière ce que nous appelons la liberté. Les événemens, l’expérience, beaucoup de besoins identiques, un mutuel désir de concorde et d’agrandissement, nous mettront d’accord. Assurés qu’on ne traitera point de nous sans nous, que nous ne perdrons rien de ce que nous avons conquis, nous attendrons sans entêtement, sans impatience et sans faiblesse le jour cent fois heureux où, sur l’autel relevé de la grande patrie, nous brûlerons tous nos drapeaux pour n’en avoir qu’un seul aux mains de la justice et de la paix. (La séance continue.)
XIV.
(La capitale de la république sociale. Rue silencieuse et déserte. Plusieurs maisons en ruine. L’herbe pousse entre les pavés. À l’extrémité, la rue est coupée par une barricade, au bas de laquelle se cache un homme déguenillé. Un autre homme, en blouse, franchit la barricade. Ces deux hommes, se voyant face à face, s’observent avec une certaine inquiétude.)
Citoyen, je suis un pauvre ouvrier sans ouvrage. J’ai faim.
Moi aussi.
Mais tu as de quoi manger ; tu portes un pain sous ta blouse.
Moi !
Je le sais. Je t’ai suivi. Deux fois par semaine, tu vas chercher ce pain à l’entrée du faubourg. Donne-m’en un morceau.
Ce pain, que je paie au poids de l’or, est tout ce que j’ai pour nourrir une femme et trois enfans.
Donne-m’en un morceau ; je n’ai pas mangé depuis deux jours. Il faut que je mange ou que je meure. (il montre un pistolet.)
Je suis armé aussi.
Donne-moi un morceau de pain, et ne nous tuons pas. Si par bavard on venait au bruit et qu’on te trouvât un pain, tes enfans ne verraient ni le pain ni toi.