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REVUE DES DEUX MONDES.

GUYOT.

Oui, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne. Je commence à croire que les socialistes ont entrepris une besogne au-dessus de leurs forces.

LE COMMANDANT.

À moins qu’ils n’aient voulu tout simplement dépeupler la terre… Quel temps pour ceux qui aiment la paix !

GUYOT.

Tout le monde soupire après la paix ; mais voilà le malheur : personne ne la peut faire. Quand les révolutions sont commencées, c’est le diable, rien ne peut les finir. On croyait saisir la liberté, on tombe dans l’esclavage ; on croyait assurer son bien-être, on ne fait que son malheur et celui d’autrui !

LE COMMANDANT.

Dire que nous ne sommes même pas libres de rester tranquilles, et qu’il nous faut ravager notre pays ou être guillotinés !

GUYOT.

Et tout cela pour nous reposer un jour sous la trique des Cosaques ! car ils vont arriver. Divisés comme nous le sommes, nous ne résisterons guère.

LE COMMANDANT.

Quelle résistance veux-tu que fassent des gens que leurs concitoyens humilient, volent et assassinent ? Quand les Cosaques seraient aussi insolens, aussi pillards, aussi féroces que nous, ils auront toujours plus de discipline, et les citoyens ne subiront plus du moins l’avanie d’être insultés dans leur propre langue. Je m’explique aujourd’hui bien des choses qui m’étonnaient. À voir ce que nous voyons, on apprend l’histoire !… Ce que je ne puis concevoir, c’est que les deux républiques séparatistes du nord et de l’ouest ne nous aient point culbutés.

GUYOT.

Elles n’y ont pas renoncé. Les constitutionnels s’affermissent dans le nord, et les catholiques de l’ouest, en s’unissant avec eux, nous donneront du fil à retordre. Le fanatisme de ces gens de l’ouest est indomptable. Le Vengeur doit se repentir d’avoir délivré Valentin de Lavaur, quand le gouvernement provisoire voulait le faire arrêter.

LE COMMANDANT.

Il lui a fait payer assez cher sa générosité. Sais-tu cela ?

GUYOT.

Non.

LE COMMANDANT.

Mme de Lavaur était cachée dans la capitale, soignant sa mère et menant la vie d’une sœur de charité. Elle a été découverte, trahie, je crois. Le Vengeur a mis la main sur elle, l’a envoyée dans une ville assiégée par les catholiques, et a fait dire à Valentin, qui dirigeait le siège, que le jour de l’assaut, sa femme serait attachée à l’endroit le plus menacé des remparts.

GUYOT.

C’est bien l’homme !

LE COMMANDANT.

Valentin rassemble son conseil. Ayant montré la nécessité d’enlever la ville,