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REVUE DES DEUX MONDES.

du socialisme, au nom de notre propre intérêt et du sien même, j’invite de la façon la plus pressante le consul à prendre en considération les deux projets dont nous venons de nous occuper : celui du ministre de la justice sur la libération des malheureux condamnés, et celui du ministre de l’intérieur sur l’organisation d’une force mobile destinée à assurer le travail et la paix dans les campagnes. Les deux projets se tiennent par un lien visible, et que, pour mon compte, je ne veux pas cacher. Je suis pour la réhabilitation éclatante des victimes de la justice humaine ; cette réhabilitation leur est due. Les révolutions ne se font pas pour les heureux. Non-seulement il faut délivrer les prisonniers, les galériens, les voleurs, mais il faut leur témoigner une grande et loyale confiance ; il faut leur donner des armes en même temps que des droits. Bien dirigés, ces hommes constitueront la force révolutionnaire la plus redoutable, la plus invincible et la plus fidèle. Avec eux, nous commanderons les campagnes, nous y ferons pousser du blé et des soldats, et nous serons en mesure de tenir tête aux réactions et aux invasions. Autrement, attendons-nous à périr. (Il se lève.) Si quelqu’un ici veut périr, périr avec la révolution, périr sans se défendre, ce n’est pas moi !

TOUS, excepté le consul et le ministre des affaires étrangères.

Ni moi ! ni moi ! Vive la république sociale !

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

Voilà la question de cabinet posée.

LE VENGEUR.

J’ai dit mon avis, je ne suis plus nécessaire au conseil. (Il sort. Les ministres le suivent, à l’exception du ministre des affaires étrangères.)


X.


LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

Nous serons fusillés aujourd’hui ou demain, mais je ne suis pas d’humeur à donner ma vie gratis. Je reprends mes pistolets. (Il les regarde.) Je les ai pris dans l’appartement du prince royal, lorsque nous venions de chasser le roi. J’étais loin de prévoir le premier usage, et le dernier probablement, que j’en ferai… Une certaine justice ne laisse pas de se manifester au milieu de ce chaos où nous avons précipité le monde. Comme elle m’atteint, elle atteindra aussi le Vengeur. (An consul.) Tu avais sous ta main de si bonnes armes, et tu n’as pas brûlé la cervelle à ce galérien ! (Le consul ne répond pas.) Il n’entend point ; il est sourd d’épouvante. Pauvre sot, ambitieux et poltron, qui a marché vers le pouvoir suprême sans jamais perdre de vue la potence ! Le voilà parvenu au terme de sa course. Il voudrait bien être encore à griffonner ses procédures sous la surveillance du tyran ! Je gage qu’il ne saura pas même mourir, et qu’il finira par tomber dans un égout en fuyant le supplice. (Il le secoue.) À quoi te résous-tu ?

LE CONSUL.

On ne pourra jamais prouver que j’aie violé la constitution !

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

Là ! n’en étais-je pas sûr ? Eh ! mon ami, ne t’occupe pas de plaider. Nous