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LE LENDEMAIN DE LA VICTOIRE.

LE CONSUL.

Le ministre du progrès est devenu fou tout à l’heure. Je crains qu’il n’y ait une épidémie de folie dans le conseil. La parole est au ministre de l’intérieur.

LE VENGEUR.

Un moment ! Je ne trouve pas que la proposition du ministre de la justice mérite d’être tournée en dérision.

LE MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE.

Ni moi ; son argumentation me paraît aussi forte qu’éloquente.

LE MINISTRE DE LA MARINE.

Cette amnistie aurait quelque chose de titanesque et d’incommensurable qui me séduit.

LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR.

Je ne vois pas pourquoi la société n’essaierait point d’un pardon généreux envers des hommes plus égarés que coupables.

LE VENGEUR.

J’ai besoin de soldats.

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

Moi, j’ai besoin d’ambassadeurs, le ministre des finances a besoin de percepteurs, le ministre de la guerre a besoin d’intendans ; à l’exception de l’instruction publique, tous les ministères ont besoin d’hommes sûrs. Le ministre de la justice va nous donner ce qu’il nous faut, et il lui restera de quoi se pourvoir lui-même !

LE MINISTRE DE LA JUSTICE.

Tu ne crois donc pas à la perfectibilité de l’ame humaine ?

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

Non.

LE MINISTRE DE LA JUSTICE.

Alors tu n’es pas révolutionnaire.

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

C’est connu.

LE CONSUL.

Ne discutez pas davantage. Rien de semblable à ce que l’on propose n’aura lieu tant que je garderai le pouvoir.

LE VENGEUR.

Tu manques de foi.

LE CONSUL.

C’est possible. Je ne manquerai pas de conscience… D’ailleurs, je ne refuse point d’accorder des grâces isolées et motivées en aussi grand nombre qu’il le faudra.

LE MINISTRE DE LA JUSTICE.

L’effet moral ne sera pas le même.

LE CONSUL.

La parole est au ministre de l’intérieur.

LE MINISTRE DE LA JUSTICE.

Cependant…

LE CONSUL.

Tu n’as pas la parole.