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que la garantie du roi d’Angleterre avait paru insuffisante. Les nobles répondirent qu’ils n’avaient pas d’argent, mais qu’ils serviraient de leurs personnes dans la guerre. De leur côté, les marchands refusèrent d’accorder au roi ce qu’il demandait, à moins que la noblesse et le clergé ne lui accordassent aussi un prêt considérable sans intérêt. Le roi eut alors recours aux marchands étrangers, il proposa de leur donner en échange d’un emprunt le droit de trafiquer librement en Angleterre ; mais ce nouvel effort fut inutile comme le premier, et Richard fut contraint d’abandonner son projet, faute de 60,000 livres.

Sous les règnes suivans, le parlement se désista un peu de cette sévérité : il accorda à plusieurs rois des subsides additionnels pour garantir le paiement de leurs dettes ; mais ces secours n’étaient encore que momentanés et cessaient avec les circonstances qui les avaient fait naître. Les monarques anglais vécurent jusqu’à Guillaume III dans de perpétuels embarras d’argent, et la couronne finit par faire banqueroute d’environ 33 millions de fr. en 1672, seize ans seulement avant la révolution de 1688. Cette catastrophe, qui ruina une foule de familles et arrêta pour quelque temps les progrès du commerce anglais, ne contribua pas peu à déconsidérer les Stuarts. Vingt-cinq ans après, le parlement accorda aux créanciers dépossédés un dividende de 50 pour 100 ; ce compte, qui fut réglé à 664,000 liv. ster. (16 millions 600,000 fr.), est la seule partie de la dette publique anglaise qui remonte au-delà de 1688.

À partir de cette époque, ce n’est plus seulement de la couronne qu’il s’agit ; la nation elle-même entre en scène, tout prend subitement dans l’état des proportions énormes. Charles II n’avait pas pu payer, en 1672, 33 millions de francs. Vingt-cinq ans après, en 1697, à la paix de Ryswick, la dette nationale s’élevait déjà à plus de 500 millions, et il n’était plus question de banqueroute. Cette révolution financière est un des traits les plus saillans de cette époque caractéristique à tant de titres. Elle ne peut être comparée qu’à celle qui s’est accomplie en France entre 1789 et 1830. Les revenus de la couronne s’élevaient en tout, sous les règnes de Charles II et Jacques II, à 1,200,000 livres sterling ou 30 millions de francs ; de 1688 à 1697, les dépenses publiques dépassèrent annuellement le triple de cette somme. L’Angleterre fit à Louis XIV une guerre d’argent ; il s’en fallait de beaucoup que les recettes publiques, quelque soin qu’on prît pour les accroître, fussent suffisantes pour alimenter ces frais excessifs ; on combla le déficit par des emprunts. La nation fit des efforts inouis ; presque tous les grands établissemens de crédit public qu’elle possède encore datent de cette époque. La banque d’Angleterre fut créée, la compagnie des Indes organisée ; d’autres puissantes compagnies se constituèrent. Enfin le système des dettes fondées (funding system) fut trouvé. Ce système, qui