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REVUE DES DEUX MONDES.

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

Très vrai.

LE MINISTRE DE l’INSTRUCTION PUBLIQUE.

La république sociale règne partout, son esprit coule partout à pleins bords. Elle remplit de la grandeur et de la beauté de ses maximes jusqu’au cœur des plus jeunes enfans. Donnez-moi trois ans, j’en aurai fini avec tous les préjugés qui arrêtent encore l’essor du monde dans les voies glorieuses qu’il s’ouvre en ce moment par le feu et par le fer. Dans trois ans, la contre-révolution ne pourra plus rien ; eût-elle à ses ordres vingt armées, elle ne pourra plus rien contre la puissance de l’idée fortifiée à cette source féconde où boivent aujourd’hui toutes nos jeunes générations. Ce que vous voyez, ce que vous admirez d’élans généreux et irrésistibles vers le bonheur et vers la liberté n’est pas comparable aux résultats que vous donnera l’effort unanime et sans frein du corps enseignant.

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

Je le crois.

LE MINISTRE DE l’INSTRUCTION PUBLIQUE.

Ce que tu ne crois pas et ce que tu pourras voir, c’est l’extinction définitive des haines et des malheurs qu’entraîne depuis la création du monde l’antagonisme barbare de la morale et de la liberté. Cette lutte anarchique cessera, suivant la parole des révélateurs, pour faire place à l’harmonie éternelle. Délivré des fausses solutions qui affaiblissent sa conscience et qui l’égarent, l’homme se donnera pour but de jouir, il s’imposera le bonheur. Libérateurs du genre humain, je vous annonce la bonne nouvelle. Hosannah ! la cause de la jouissance est gagnée, gagnée dès à présent ! Le lent effort de la pensée humaine a triomphé, Dieu est vaincu ! Il a reculé devant l’homme, ses temples tombent, ses prêtres sont muets, ses fidèles sont écrasés, il n’a plus de foudre, il n’a plus d’enfer, il est vaincu !

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

Je n’en voudrais pas jurer.

LES AUTRES MINISTRES.

Silence, donc ! Continue, Baisemain.

LE MINISTRE DE LA MARINE.

Chante-nous l’hymne de la délivrance.

LE MINISTRE DE l’INSTRUCTION PUBLIQUE.

Oui, citoyens, mes amis, mes frères, nous sommes délivrés, et l’humanité est délivrée. Tenez pour accompli ce grand résultat, qui semblait hier encore si loin de nous. Mais ce que l’on croyait solide était déjà rompu. Tout l’édifice de la vieille morale a croulé, comme ces cadavres qui tombent en poudre au premier attouchement. Il faut maintenant que cette poussière même s’envole. La république sociale y a pourvu en décrétant l’éducation uniforme, gratuite et obligatoire, et en chargeant le corps enseignant de cette mission auguste. Il saura la remplir ; au milieu des décombres de l’ancienne société, seul il reste debout pour façonner la société nouvelle. Partout une organisation habile nous avait préparé le terrain, partout nous l’avons occupé sans résistance. Nous avons vaincu par le doute, nous saurons régner par l’affirmation et gouverner par la foi. Ne craignez pas que le corps enseignant laisse entamer les vérités dont il a