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REVUE DES DEUX MONDES.

mais il faut d’abord détruire les classes aristocratiques, et que tout le monde apprenne à marcher à pied.

SECOND DÉLÉGUÉ.

Nous savions marcher à pied. Depuis que tout le monde marche ainsi, nous mourons de faim.

L’AGENT.

Au lieu de faire des carrosses, que ne fesiez-vous des charrettes ? Souffrez quelques privations pour expier vos fautes passées et pour mériter des jours meilleurs. À un autre.

TROISIÈME DÉLÉGUÉ.

Je représente mille ouvriers tailleurs, ayant tous marqué parmi les plus anciens et les plus zélés socialistes.

L’AGENT.

Eh bien ! vos vœux sont remplis : vous voyez enfin la république sociale !

TROISIÈME DÉLÉGUÉ.

Nous sommes menacés de ne la pas voir long-temps. Nous manquons de pain, nous, nos enfans et nos femmes.

L’AGENT.

Vous dites tous la même chose. Vous manquez tous de pain, vous avez tous des enfans et des femmes. Pourquoi avez-vous tant de femmes et tant d’enfans ? Les tailleurs sont insatiables. On a beaucoup fait pour eux.

TROISIÈME DÉLÉGUÉ.

Ils ont encore plus fait pour vous. Ce sont eux qui vous ont donné la révolution.

L’AGENT.

Alors de quoi se plaignent-ils ? Les révolutions se chargent de déshabiller un certain nombre de gens, et non pas d’habiller tout le monde. À un autre.

QUATRIÈME DÉLÉGUÉ.

Je me présente au nom de cent cinquante ex-négocians absolument ruinés et sans ressources.

L’AGENT.

Dis au nom de cent cinquante exploiteurs du peuple.

QUATRIÈME DÉLÉGUÉ.

Si nous avons exploité le peuple, il nous l’a bien rendu. Nos magasins ont été pillés, nos machines brisées ; nos débiteurs ont refusé de payer ce qu’ils nous devaient.

L’AGENT.

C’est bien fait ! Vous êtes tous criminels.

QUATRIÈME DÉLÉGUÉ.

Qu’on nous mette en prison. Nous ne demandons pas mieux.

L’AGENT.

Vous n’êtes pas dégoûtés. Vous seriez là logés et nourris à ne rien faire.

CINQUIÈME DÉLÉGUÉ, un drapeau à la main.

Voici le drapeau des mécaniciens. On l’a toujours vu sur les barricades. Nous y avons mis un crêpe, en mémoire non pas de nos camarades morts pour la