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REVUE DES DEUX MONDES.

SECOND BOURGEOIS.

Que voulez-vous qu’elle fasse des douze mille francs du consul ? Tandis que Galuchet, comme général en second de la force ouvrière, jouit d’un crédit illimité.

PREMIER BOURGEOIS.

Le commerce en sait quelque chose.

SECOND BOURGEOIS.

Quant au Vengeur, il se contente d’inspirer l’effroi. J’ai pu le voir un jour dans la caserne où il demeure, abordable à ses seuls soldats : c’est à faire frémir ! Il habite une chambre de huit pieds carrés, meublée d’une chaise et d’une paillasse. Il n’a pas quitté ses habits d’ouvrier.

PREMIER BOURGEOIS.

Était-il vraiment ouvrier ?

SECOND BOURGEOIS.

Qui le sait ? Beaucoup de personnes assurent qu’il a été carabin, d’autres disent clerc d’huissier, et d’autres journaliste.

PREMIER BOURGEOIS.

On le croit fou.

SECOND BOURGEOIS.

Une chose positive, c’est qu’il se refuse toute jouissance.

PREMIER BOURGEOIS.

Voilà, je l’avoue, ce qui m’étonne.

SECOND BOURGEOIS.

Et moi donc ! Dans un temps où personne n’est sûr de rien, saisissons la jouissance au passage. Si je le pouvais, je n’y manquerais pas. C’est la philosophie du jeune Galuchet. Il a mis la main sur tous les plaisirs en homme qui n’est pas certain d’en tâter long-temps. Ma foi ! je ne le blâme point.

PREMIER BOURGEOIS.

Nous le blâmerions que ce serait la même chose. Avouez que les gouvernans ne se gênent plus avec le public. Si un prince s’était permis une fois le quart de ce que Galuchet et cent autres font tous les jours…

SECOND BOURGEOIS.

Chut ! Vous en dites plus qu’il ne faut pour passer en jugement.

PREMIER BOURGEOIS.

Je n’ai plus que la vie à perdre, et je n’y tiens pas. Je suis ruiné. Ma pauvre boutique a été pillée hier.

SECOND BOURGEOIS.

Pourquoi l’aviez-vous ouverte ?

PREMIER BOURGEOIS.

Il faut bien tâcher de vivre. On disait que ceux qui n’ouvraient pas devenaient suspects. J’ouvre : quatre individus entrent, prennent de la marchandise, et m’offrent leurs signatures. Je leur demande au moins des bons d’état. Ils se mettent en fureur, et brisent tout. Comme ils avaient les ceintures de la force ouvrière, je viens demander satisfaction au général. J’aime encore mieux m’adresser à Galuchet qu’au Vengeur.