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LES


EAUX DE SPA.


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Il faut avoir vécu pendant ces dix-huit mois dans notre fournaise, il faut avoir entendu hurler sous ses fenêtres la Guillotine, l’Accusateur public, la Canaille, toutes les feuilles politiques du carrefour ; il faut avoir assisté à tous les crimes, à toutes les lâchetés de ces journées abominables, quand nous obéissions à des fantômes sans vertu, sans talent et sans nom, pour bien comprendre la grace, le repos, le contentement, le charme de l’homme qui sort enfin de cet enfer, et qui se trouve tout d’un coup transporté, par la baguette des fées, dans la douce vallée de Spa, entre ces montagnes chargées d’ombrages, sur le bord de ces fontaines salutaires, dans ces vallées de la méditation et du silence ! Dans un temps paisible, quand l’ordre est partout et partout la paix florissante, ce n’est rien, un voyage de quelques heures, un repos de quelques jours dans un pli des Ardennes moitié belges et moitié françaises ; mais en pleine tempête, en pleine émeute, à l’heure de l’incendie universel, se sentir à ce doux abri, se promener dans cette oisiveté poétique, n’entendre autour de soi que des musiques et des chansons, ne rencontrer chemin faisant que des processions et des fêtes, c’est beaucoup, c’est mieux que beaucoup : c’est tout simplement un grand miracle, et qui vaut la peine d’être raconté.

Le chemin du Nord est, comme on sait, une des créations les plus magnifiques de la révolution de juillet. Il n’y a pas si long-temps déjà que cette œuvre immense, accomplie en si peu d’années, fut inaugu-