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révolutionnaire et donner le signal d’une guerre civile ? Enfin, le 23 janvier le ministère Brandebourg adressa à tous ses représentans auprès des différens états de l’Allemagne une note longue et confuse sur le rôle que devait jouer la Prusse dans cette affaire. Cette note, où il est facile de reconnaître l’esprit et le langage, de Frédéric-Guillaume, flattait à la fois l’assemblée et les gouvernemens. Tantôt c’était le Prussien qui parlait, c’était l’héritier de Frédéric-le-Grand qui ne reculait pas devant une politique hardie ; tantôt le monarque féodal de 1840 et de 1847 reparaissait soudain et semblait avoir peur de ses paroles. L’assemblée est une autorité sérieuse, disait le roi prussien ; elle a été régulièrement élue, et la nation allemande, par l’organe des hommes en qui elle a mis sa confiance, a bien le droit de travailler, à l’unité de la patrie. L’œuvre de Francfort est terminée, disait le monarque féodal c’est aux gouvernemens désormais qu’il appartient d’examiner cette œuvre et de donner leur avis. Quant à la constitution de l’Allemagne la note était peu favorable à l’idée d’un empire ; Frédéric-Guillaume préférait une hégémonie, comme disent nos voisins, c’est-à-dire la suprématie de la Prusse sur un certain nombre d’états volontairement rattachés à sa cause. Une fois cette première base établie, pensait-il le temps et les événemens lui assureraient un jour tout naturellement ce que l’assemblée de Francfort ne pouvait lui donner qu’à travers de périlleux hasards. De même que le Zollverein, ajoutait la note, a été un essai d’unité pour les questions commerciales, sans que ce lien particulier contracté par différens états ait nui aux liens généraux de la confédération germanique, de même aussi une plus étroite alliance politique ne pourrait-elle s’établir, au sein de la confédération, (innerhalb des Bundes) entre la Prusse et les gouvernemens qui se joindraient à elle ? C’était une manière ingénieuse de commencer l’unité sans exclure violemment l’Autriche. Etait-ce assez pour les teutomanes de l’église Saint-Paul ? Frédéric-Guillaume sentait bien que non, et il insinuait que la Prusse était au service de la patrie commune, dût-il lui en coûter de graves sacrifices. La note concluait enfin en priant les souverains de s’entendre avec l’assemblée de Francfort avant le second débat de la constitution. Ce singulier message n’était pas de nature à calmer les inquiétudes ; l’assemblée et les gouvernemens, Francfort et Ollmütz, y trouvaient tour à tour des motifs d’espérance ou des sujets d’alarme. Ce doute, cette incertitude profonde, ces épaisses ténèbres s’accroissant chaque jour, donnaient je ne sais quel aspect bizarre à la lutte qui divisait l’Allemagne entière, et de toutes parts on attendait la seconde lecture de la constitution au milieu d’une effervescence inouie.

ERRATA

Dans l’Histoire du Parlement de Francfort, page 390, ligne 18, au lieu de : Un jeune empereur de dix-huit ans à son père, lisez : à qui son oncle, etc.

Même page, ligne 36, au lieu de : « En descendant du trône pour y placer son fils. » lisez : pour y placer son neveu.


SAINT-RENÉ TAILLANDIER.