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accablant le parti autrichien, en humiliant M. de Schmerling, en retournant la pointe de son arme dans une blessure saignante, il fit plus de mal que de bien au ministère. M. de Gagern ne dut son succès qu’à lui-même ; attaqué énergiquement par M. Vogt, par M. Wydenbrugk par M. Giskra, compromis par M. de Vincke, il monta deux fois à la tribune, et deux fois, — la loyauté de ses explications, l’ardeur de son patriotisme, l’autorité de son caractère, effaçant ce qu’il y avait de fâcheux dans son système, — il sut rallier cette majorité hostile. Le parti Dahlmann, Beseler et Waitz, qui avait fait les § 2 et 3 du chapitre Ier de la constitution, se rapprocha sans peine de M. de Gagern ; d’abord M. de Gagern représentait les intérêts prussiens, et puis, dans sa réponse du 11 janvier à une note du prince Schwarzenberg, dans son discours même du 11, M. de Gagern conformait son programme aux principes du parti Dahlmann. Il persistait à exclure l’Autriche tout entière en lui laissant sa puissance ; mais, pour le cas où l’Autriche aurait voulu absolument être incorporée à l’empire, il maintenait la règle des § 2 et 3 c’est-à-dire l’union personnelle pure et simple entre les états allemands et non allemands régis par un même souverain. Cette explication donnait à M. de Gagern l’appui décidé du parti Dahlmann, et sans ce parti la victoire lui échappait. La majorité, en effet, ne fut pas considérable. L’ordre du jour qui proposait l’approbation du programme de M. de Gagern modifié par son discours du 11 fut voté par 261 voix seulement contre 224. Le vote se fit par appel nominal, et donna lieu à plusieurs scènes émouvantes. Plus d’un député hésita avant de prononcer l’exclusion de l’Autriche. Quand M. Maurice Arndt, le vieux poète des guerres nationales, eut voté pour le ministère, une explosion de cris se fit entendre, et des voix furieuses lui rappelaient son célèbre chant de 1813 : Quelle est la patrie de l’Allemand ? (Was ist des Deutschen Vaterland) Le vieillard ne résista pas à l’émotion ; il tomba presque évanoui dans les bras de ses voisins. M. Welcker se prononça ouvertement contre M. de Gagern ; M. de Schmerling et M. de Radowitz s’abstinrent. Le résultat parut long-temps douteux ; enfin, quand la victoire fut proclamée, il n’y eut ni bravos ni murmures ; un silence inquiet accueillit ce vote, et rien ne convenait mieux en effet à la pénible situation de l’assemblée. Au milieu des inextricables embarras de l’unité allemande, le parlement commençait à voir et à sentir de près ces obstacles que son intrépide inexpérience n’avait pas encore soupçonnés ; il contemplait son œuvre avec effroi et gardait un morne silence.

Comment l’assemblée de Saint-Paul eût-elle échappé à ces émotions douloureuses ? L’Allemagne entière les éprouvait. L’Allemagne, si long-temps fière de son parlement national de Francfort, perdait peu à peu confiance. Elle comptait les résultats de ces huit mois, et les espérances qu’elle avait conçues étaient encore des rêves. L’assemblée