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V

Le 18 décembre, M. Henri de Gagern, nommé ministre de l’intérieur et des affaires étrangères à la place de M. de Schmerling, lut à la tribune son programme d’avènement. D’après ce programme, M. de Gagern déclarait l’Autriche exclue de cette fédération d’états que devait former l’Allemagne nouvelle. La note du prince Schwarzenberg avait dit : « L’unité complète, indissoluble, de tous les pays qui composent la monarchie autrichienne est nécessaire à l’Allemagne et à l’Europe. L’Autriche verra plus tard comment elle doit s’unir avec l’Allemagne. » M. de Gagern, prenant à la lettre cette proposition, en concluait que l’Autriche ne faisait pas et ne ferait jamais partie de l’empire. Ce n’est pas là on se le rappelle, ce qu’avait voulu l’assemblée nationale ; en votant les §§ 2 et 3 du chapitre Ier de la constitution, elle avait entendu mettre d’un côté les provinces non allemandes de la monarchie des Habsbourg, — de l’autre l’Autriche allemande, — et, en abandonnant celles-là, s’attacher plus fortement celle-ci. Quant à exclure l’Autriche entière de l’empire d’Allemagne, c’était là une entreprise qui devait paraître monstrueuse au patriotisme germanique. On voulait bien affaiblir l’Autriche, la mutiler, lui enlever ce qui est sa nature même, on voulait bien la placer ainsi dans l’empire où elle n’aurait tenu qu’un rang inférieur ; mais exclure de la fédération allemande un état qui, pendant des siècles, a représenté toute l’Allemagne, il semblait que ce fût une trahison, un crime de lèse-patrie. Toute cette partie du programme de M. de Gagern soulève de violens murmures. Après la lecture, les colères redoublent ; M. Venedey demande que le programme soit rejeté sans discussion, et M. Reitter (de Prague), M. Plathner, M. Maurice Hartmann, parlent, dans le même sens avec une irritation croissante. Heureusement de plus sages conseils l’emportent, une commission est nommée, et le programme de M. de Gagern sera l’objet d’un débat réfléchi. Cette commission pourtant est hostile à M. de Gagern ; elle se compose de députés de la gauche et de députés autrichiens. Les députés autrichiens ne veulent pas que leur patrie soit placée en dehors de la confédération ; les députés de la gauche, infidèles à ce dévouement dont parlait M. Vogt, combattent M. de Gagern, dont le système donnera infailliblement la couronne impériale au roi de Prusse.

Ces événemens se passaient dans les derniers jours du mois de décembre ; les fêtes de Noël et du jour de l’an firent ajourner le débat, et pendant plusieurs semaines ces grands intérêts, demeurés en suspens, communiquèrent aux esprits une agitation extraordinaire. Jamais les antipathies de la Prusse et de l’Autriche ne s’étaient manifestées avec plus de violence. Ce parlement, qui devait enfanter l’unité nationale était désormais un champ de bataille où deux armées ennemies,